lundi 29 octobre 2007

Inde - Les dieux de l'hémoglobine

Amritsar

Deux millions d’habitants, le 3/4 se déplacent à vélo, la moitié en pousse-pousse, et le 1/3 en rickshaws… La circulation ici est intense. Heureusement, les vaches sont absentes du portrait. En effet, la ville est en grande majorité de confession sikh. C’est d’ailleurs se qui explique ma présence ici. Amritsar est la ville la plus importante pour les sikhs. Au XVe siècle, un homme nommé le gourou Nanak y a posé les bases de cette religion. Rejetant le système de castes hindou et prônant l’égalité de tous, ses idées étaient fort avant-gardistes pour son époque. C’est donc avec beaucoup de curiosité et d’empathie que j’ai décidé de quitter les routes touristiques pour prendre la direction du Golden Temple (le Saint-Pierre de Rome de la religion sikh). Ce temple est bien plus que magnifiquement doré, il est un lieu d’accueil et de partage.



D’abord, on peut loger gratuitement (et modestement) dans une des bâtisses adjacentes et l’on peut aller se restaurer à la cuisine communautaire. Au menu : dal, riz en crème, chapati et ce, à volonté. Il suffit de se joindre aux centaines de sikhs assis par terre et de ne pas trop craindre la proximité de votre assiette avec les pieds de votre voisin. Le repas est tout aussi gratuit. Il est difficile d’imaginer endroit pareil chez nous. Des milliers de repas servis chaque jour par une véritable armée de bénévoles. Toutes les tâches sont réparties : le type qui distribue les fourchettes, celui qui les nettoie et celui qui va les porter au premier une fois propres. La cuisine est impressionnante. On y retrouve des hommes et des femmes roulant à un rythme infernal la pâte pour faire des chapatis ainsi que des cuisiniers brassant une quantité monstrueuse de dal dans d’immenses chaudrons.



Encore plus ahurissant, l’endroit où l’on fait la vaisselle. Dans un vacarme incessant, une centaine de personnes debout autour de longues cuves nettoyant assiettes, bols et ustensiles. Dans tous ces petits gestes, on retrouve la puissance de l’engagement communautaire. On sent bien que les bénévoles ici sont d’abord des pèlerins qui se font un devoir et une fierté de donner de leur temps pour la communauté. On ne peut pas rester indifférent devant pareille démonstration de partage. Ici, même les senteux sont les bienvenus, il suffit de respecter certaines règles qui régissent le temple : pieds nus et tête couverte par un turban ou un foulard (Avec ma barbe de deux semaines et mon foulard, je me fonds presque dans la foule!). C’est donc dans l’espoir d’en connaître davantage sur cette religion aux valeurs familiales et collectives que j’ai pris la direction du musée.



L’histoire du sikhisme y est retracée de manière troublante. Les sikhs sont des martyrs depuis le tout début. Les tableaux se succèdent, plus macabres les uns que les autres. Les horribles supplices s’enchaînent : chaudrons, scies, bébés… mon malaise s’accroit. Les sikhs sont plus que des martyrs, ils se présentent en victimes. Un souffre-douleur qui semble étaler fièrement ses malheurs. Les peintures ne semblent pas implorer : « Voyez, faites que cela n’arrive plus jamais! », ils rugissent aux oreilles des pèlerins : « Voyez, soyez prêts à vous défendre ». Car tout près des joyeux tableaux sont présentés des épées, des dagues, des obus, des missiles… Où va-t-on avec tout ça ? Que penser d’une religion qui malgré son sombre passé, est fascinée par les armes. Le kirpan n’est pas une arme vous diront-ils. Il reflète néanmoins le souvenir des martyrs et l’idée qu’en leur nom, le sikh se battra. Où va une religion dont la base est faite de violence, de pleurs et de sang ? C’est peut-être moi qui saisis mal le message.



Peu importe si je suis croyant ou non, je réalise ici que je suis chrétien. Que je le veuille ou non, je connais son système de valeurs, j’y adhère en grande partie, il a un certain sens à mes yeux. Ce que l’on ne connait pas nous parait souvent insensé. Après tout, qu’est-ce qu’un sikh peut bien comprendre du christianisme lorsqu’il est exposé aux épisodes sanguinolents de sa longue histoire : les premiers chrétiens livrés aux lions des arènes romaines, les Croisades, l’Inquisition, la Saint-Barthelemy, le Bloody Sunday… Je me demande bien ce qu’il peut penser d’une religion dont la base est faite de violence, de pleurs et de sang ? On peut bien lui expliquer les concepts de paix et d’amour de son prochain mais que retiendra t-il s’il voit le Christ ensanglanté sur la Croix.

samedi 27 octobre 2007

Inde - Merde, une infection !!!

Dharamsala

Si l’on remplace les yogis par les moines tibétains, Dharamsala ressemble beaucoup à Rishikesh. La ville est pleine d’étrangers, les facilités sont nombreuses, on y retrouve quelques bons restaurants et une tonne d’hôtels bon marché. Il y fait bon s’y arrêter un peu. Mais, contrairement à Rishikesh, je ne fais que passer. Il m’est tout de même arrivé bien des aventures ici sur la terre d’exil du Dalaï-lama.



Pour ceux qui l’ignorent encore, mon voyage revêt un caractère scientifique de haute importance. Les prochains mois passés en Asie me permettront d’analyser la faune et la flore afin d’y déceler des indices prouvant l’existence d’un animal fabuleux : le dragon. J’espère découvrir si l’animal existe vraiment. Dans cette quête, je suis aidé de mon neveu Vincent qui adore les dragons et qui possède plusieurs livres sur le sujet. Tout au long de mon voyage, il pourra me fournir de précieux renseignements. Dans ma mission, je suis accompagné de Gladys, un petit dragon qui me suivra partout. Vincent conserve à la maison son compagnon Elliott.




En Inde, il semblerait que les dragons se font discrets. Il existe très peu de représentations de dragon dans la culture indienne. Dans le nord seulement, près des montagnes, à travers la religion bouddhiste, j’ai pu voir quelques représentations. Dans la Vallée des Fleurs par exemple, j’ai vu des indices qui ne trompent pas : des cacas si énormes qu’ils ne peuvent provenir que d’un gigantesque animal. Toutefois, l’analyse des photos est insuffisante pour identifier clairement le propriétaire de ces gros cadeaux. Vincent m’a décrit la méthode permettant d’évaluer la fraîcheur du dit tas… Je me suis donc procuré un thermomètre dans l’espoir d’en revoir à nouveau et ainsi pousser un peu plus loin l’investigation. Il me faut toutefois être vigilant, les fientes de dragons sont extrêmement toxiques.



C’est donc avec beaucoup de prudence que j’ai approché un petit amoncellement nauséabond trouvé au bord d’un lac, près de Dharamsala. Il n’était pas aussi gros que les autres découverts précédemment mais il dégageait une très forte odeur. Je n’avais pas mon thermomètre avec moi alors j’ai donc apporté un petit échantillon dans ma chambre d’hôtel afin de procéder à l’analyse. J’étais tellement énervé qu’un mouvement maladroit a fait tomber une goutte de caca sur mon sourcil, en plein sur mon piercing! Cela n’a pas été long pour constater que la merde de dragon est très toxique. En quelques instants, une infection se déclarait transformant mon arcade sourcilière en usine à pus. Pour éviter les complications, j’ai du me résigner à retirer mon piercing. Je ne savais pas à quel point ce petit bijou fait maintenant partie de moi.



Une visite à la clinique tibétaine et quelques antibiotiques plus tard, mon air de gars ayant mangé une sérieuse volée se dissipait. Le tout revenait tranquillement à la normale, excepté mon piercing, toujours absent de mon regard, et pour un petit bout encore… Il me faudra être patient avant de le remettre et ce, même si je me sens un peu tout nu. Pour revenir à nos dragons, j’ai tout de même noté la température de la crotte (59 degré Celsius) sans toutefois connaître ce que cela signifie. Je vais demander à Vincent de vérifier de son côté si il peut m’aider. Je vous tiendrai au courant des mes découvertes mais d’ici là, vous pouvez visiter notre blog sur le sujet : lesdragonsdelasie.top-depart.com .

mardi 23 octobre 2007

Dragons - Les dragons des temples

Salut Vincent !
Merci beaucoup pour les informations. Je suis certain que ça va m’être utile tôt ou tard. Je reviens tout juste de trois jours passés dans un monastère. C’est un endroit où vivent des moines bouddhistes. Je crois qu’ils aiment particulièrement les dragons car j’en ai vu beaucoup de sculptés ou de dessinés sur leurs temples. Pas étonnant car là-bas, on est vraiment très près de la Chine. Depuis que tu m’as donné les explications sur les cacas, je n’en ai pas revu mais je reste attentif. Je me suis acheté un thermomètre pour vérifier la température. Je vais essayer de me trouver des gants pour bien me protéger. Les prochains jours sont les derniers que je vais passer dans les montagnes de l’Inde alors j’espère bien trouver quelque chose. Je t’embrasse très fort.

Je t’aime
Olivier xx

lundi 22 octobre 2007

Inde - Pour le meilleur et le pire

Shimla

J’ai bien peu de choses à dire au sujet de cette ville qui m’apparait être le Saint-Sauveur indien. Les rues sont propres, pas de rickshaws, pas de voitures, pas de vaches, pas de mendiants, pas de pauvreté. Une église, des beaux restaurants, des grands magasins (Adidas, Baskin Robbins, Benetton, Sony…) et leurs clients habillés à l’occidental. Les jeunes mariés portant le jeans, symbole de leur appartenance à une classe moyenne indienne. Cet endroit ne ressemble en rien à l’Inde que j’ai vue, celle que j’ai lentement apprivoisée, celle qui m’a si facilement envoûté. L’Inde ici est beaucoup moins mystique, moins bouleversante, moins choquante, moins étrange, moins déroutante. Elle est plus riche, peut-on lui en vouloir ? L’Inde change, elle se modernise. Tel un mariage forcé entre elle et l’Occident, elle évolue pour le meilleur et pour le pire. Selon la tradition indienne, la mariée quitte sa famille pour joindre celle de son époux. Au terme de cette union, l’Inde perdra assurément une partie de ses charmes et de son âme. Espérons seulement que les enfants se souviendront…


samedi 20 octobre 2007

Inde - Le bonheur d'un senteux

Shimla

Si Dieu existe, les probabilités qu’il se soit retiré en Inde sont extrêmement fortes. L’endroit rêvé pour une retraite parfaite, un milliard cent millions de dévots. Louangé de toutes les manières inimaginables : hindouisme, islamisme, bouddhisme, sikhisme, jaïnisme, christianisme, judaïsme. Glorifié avec une ferveur qu’il est difficile de soupçonner à Montréal. Ici, la question « Crois-tu en Dieu ? » n’est même pas concevable. Après le typique « Where are you from ? » et le « What’s your name? », on nous demande régulièrement de quelle religion nous sommes. Ceux avec qui j’ai eu l’honnêteté de répondre que je ne pratique aucune religion ont réagi avec autant d’incompréhension que si je venais de leur dire que j’étais Kalki, la dixième et dernière réincarnation de Vishnu.

Jusqu’à présent, les lieux traversés étaient fortement teintés par la religion hindoue. En arrivant au monastère de Menri, on entre dans un tout autre univers : le bouddhisme. Mais attention ! Pas n’importe quelle forme. Il existe cinq formes de bouddhisme et la plus ancienne est celle nommée Bon, c’est celle pratiquée à Menri. Ici il existe un autre chef spirituel que le dalaï-lama, malgré que l’on retrouve le portrait de ce denier au monastère. Les moines portent fièrement leur habit aux couleurs du drapeau tibétain : le bleu foncé, le pourpre et le jaune. Les temples aussi arborent de magnifiques couleurs. Le Guest House est plutôt rudimentaire mais lorsqu’on paie 175 roupies (4,50$ chambre et repas compris) par jour, on tue l’araignée géante dans la salle de bain et on dit merci.



Le lendemain de notre arrivée, on nous invite à un entretien avec un sage. Ce genre d’opportunité ne se refuse pas. Le moine qui nous lance cette invitation dit en riant : « It will change your life ! » Vous me connaissez, mon jardin spirituel n’est pas très fleuri, faute d’entretien… Qui sait, peut-être la sagesse universelle dort-elle dans ces montagnes depuis des siècles. Prêt à devenir un nouvel homme, je pars à cette rencontre. Nous sommes environ douze occidentaux (aux jardins bien variés). L’enseignement débute en trombe, notre hôte m’a pas ouvert la bouche que j’ai déjà tiré une leçon. L’habit ne fait pas le moine. Non pas qu’il ne soit pas bien vêtu. Je m’imaginais simplement les sages avec plus de rides, plus de cheveux blancs et moins de dents. La discussion qui s’en ai suivi m’a laissé sur mon appétit : il ne sert à rien de pleurer le décès d’êtres chers, le bonheur vient avec le contentement, toutes vies méritent d’être respectées. Les réponses étaient plutôt élémentaires. Je me serais cru devant un énorme biscuit chinois parlant. Peut-être que c’est juste moi qui n’avait pas faim… Peut-être que la sagesse universelle réside justement dans la simplicité.



Les occidentaux qui passent par Menri sont de tout acabit. Il y a les gens comme moi, au jardin frêle, qui viennent simplement à la rencontre d’une nouvelle culture. Appelons-les les senteux. Il y a aussi les égarés, ceux qui sont ici pour trouver des réponses. Ils cultivent leur jardin sans trop savoir comment, ils ont besoin d’être dirigés. Ici, ils constituent le groupe le plus nombreux. Enfin, il y a les habitués, ceux qui sont ici depuis longtemps ou qui reviennent régulièrement. Ils ne viennent pas à Menri pour des vacances mais dans le cadre d’une sérieuse démarche spirituelle, ils sont ici pour travailler sur leur âme. Le dur labeur a probablement produit un magnifique jardin débordant de fleurs, de papillons doux et d’écureuils dansants… Ils adorent parler aux égarés qui boivent leurs paroles sur la méditation, la réincarnation et les traces karmiques. Ils jouissent en expliquant à un senteux que l’assassinat d’une araignée signifie à coup sûr un très mauvais karma. Je vivrai assurément ma prochaine existence sur quatre pattes… Bref, le senteux que j’étais ne s’est pas toujours senti bienvenu dans cet univers mystique. Un système de castes bien différent se fait sentir à Menri. Pourtant, ici comme en Inde, tout le monde partage la même chiotte et ce, quelque soit la beauté de notre jardin…



Chantal, Karine, Annick et moi ne sommes pas les seuls québécois à Menri. Un groupe envoyé par Les Routes du Monde fait également un arrêt au monastère. C’est avec énormément de joie que nous avons accepté de nous joindre à eux afin de visiter l’orphelinat. Imaginez deux-cents garçons vivant dans un immeuble de trois étages. La plupart sont orphelins, les autres n’ont pas vu leur famille depuis des années. Ils viennent parfois d’aussi loin que le Népal pour recevoir une éducation qui pourra constituer une base vers des études supérieures ou vers la vie monastique à Menri, en somme vers un avenir bien meilleur que la plupart des jeunes de leur âge.



La visite de l’orphelinat est organisée depuis plusieurs années et est offerte aux groupes de québécois qui passent par Menri. L‘activité culmine avec un encan fort particulier. Les visiteurs peuvent faire l’acquisition de merveilleux dessins réalisés par les enfants. Pour quelques roupies, voilà une belle façon d’aider à la fois le monastère dans sa mission et également de donner un peu de fierté aux jeunes artistes. Quelques instants avant le début de l’encan, nous pouvons voir les œuvres en enjeu. Un dessin s’est très rapidement distingué des autres, à la fois par ses qualités artistiques et par le sujet traité. C’est celui-ci que je veux, je paierai le prix qu’il faut.



L’encan débute tranquillement, les œuvres d’art s’envolent pour environ 300 roupies (7,50$). L’atmosphère est surchauffée, les enfants jubilent à chaque nouvelle mise. Je me fais discret, désireux de conserver tout mes sous pour l’objet de ma convoitise. Quand le moment arrive enfin, je suis prêt. Définitivement, je ne suis pas le seul intéressé, les offres affluent de toutes parts. Nous passons en vitesse le cap du 400 roupies sous les encouragements des enfants. La course folle prend fin quand, sous l’hystérie générale, j’offre 600 roupies pour obtenir le fameux dessin (je connais un garçon de 7 ans qui sera content !). Peu de temps après, l’encan se termine, près de 200$ ont été amassés, nous prenons quelques photos avec les artistes de nos œuvres respectives. La soirée se clôt par les chants, la farandole, la danse et le spectaculaire mini-trash. Les jeunes garçons sont emballés par notre présence, ça se sent. Maintenant qu’ils me connaissent, je me promets de leur rendre visite à nouveau.



Le lendemain à 6h30, je saute du lit afin de me joindre à la prière matinal. Ils sont tous présent, dans la grande salle de prière, assis sur une des quatre rangées de matelas. En chœur, ils entament des mantras en langue tibétaine pendant près d’une heure. C’est ainsi à chaque jour de l’année (21h00, heure de Montréal pour ceux qui veulent se joindre à eux en pensée). Quelle belle façon de débuter la journée !!! Je quitte donc l’endroit en ayant fait le plein d’énergie et de sourires. Toutefois, je leur fais comprendre que je serai de retour après les classes pour une partie de cricket. Tel que promis, j’étais dans la cour à 16h dans le but de m’amuser un peu. Mais avant de jouer, c’est l’heure du thé. On m’invite à l’intérieur pour partager le fameux chaï. J’entre dans la grande salle à manger, je trouve une place libre et m’assoit. Les enfants sont à la fois surpris et amusé par cette compagnie inhabituelle. Sans dire un mot, nous buvons notre thé, n’échangeant que des regards, des sourires, un instant de pur bonheur. Une fois le bonheur bu, nous partons tous vers l’extérieur, l’heure de la partie de cricket à sonné.

En fait, c’est ce que je croyais !!! Toutefois, j’ai oublié un point important, une petite cour ne permet pas à 200 jeunes de jouer une seule et unique partie de cricket. Voila pourquoi, on assiste à une quinzaine de parties disputées simultanément. Imaginez quinze parties de baseball sur un seul terrain avec des frappeurs aux quatre coins du losange frappant la balle à qui-mieux-mieux. Il ne faut pas être très nerveux pour se promener au centre du terrain alors que les balles filent dans toutes les directions. Je comprends mieux pourquoi certains d’entre eux portent de belles cicatrices derrière la tête… Après quelques élans dignes de Babe Ruth et quelques lancers à la Pascual Perez, j’échange un peu avec les plus vieux qui parle un meilleur anglais avant de quitter pour le souper. La vie est si simple ici au monastère de Menri. Je sens que je pourrais aisément rester quelques jours de plus. Cependant, je ne peux m’y résoudre car je sais très bien que je ne serai plus capable de repartir…

mercredi 17 octobre 2007

Inde - Au revoir Rishikesh !!!

Rishikesh

Mercredi soir dernier, en débarquant de l’autobus, je n’avais qu’une seule envie, aller à la rencontre de Karine, Annick et Chantal, les trois Montréalaises qui font à peu près le même voyage que le mien. Malgré la fatigue, je suis allé à leur hôtel pour les avertir de mon arrivée. Je peux vous dire que ça fait du bien de parler avec des personnes ayant les mêmes références culturelles. Après trois semaines d’anglais (l’habitude était telle que Laurent et moi se surprenions d’utiliser la langue de Shakespeare), ça fait du bien de parler en français. Je peux enfin cesser d’employer cet accent français international qui me permettait de mieux me faire comprendre auprès de mes interlocuteurs, mais qui me donne cette étrange impression d’escamoter une partie de mon identité.



La semaine passée avec les filles à Rishikesh a été fort agréable. Nous avons fait la rencontre de Hari, un Indien de mon âge qui agit comme personne-contact et guide, ici, chez lui à Rishikesh. Sous les bons soins de Hari, nous avons fait des activités diverses. Tout d’abord, nous sommes allés camper sur le bord du Gange. Dans un décor enchanteur, nous avons joué une partie de volleyball de plage et dévoré des ailes de poulet auprès du traditionnel feu de camp.



Surexcité à l’idée de manger de la viande (Rishikesh est une ville sacrée, donc totalement végétarienne), j’ai avalé un morceau de travers. Celui-ci s’est diaboliquement coincé dans mon œsophage. Cette satanée bouchée ne bloquait pas ma respiration mais pire encore, il empêchait l’absorption de nouvelles parties de ce délicieux poulet. Retiré à l’écart avec Ralph (un allemand sensible ma torture), j’ai entrepris toutes sortes de tentatives afin de libérer la voie. Le spectacle était loin d’être joli… Malgré tout, j’ai apprécié la présence rassurante de Ralph à mes côtés. Du moins, jusqu’à ce que sa compassion se transforme en brutales claques dans le dos. Le supplice a duré une bonne demi-heure, suffisamment longtemps pour voir toute la viande disparaitre dans les œsophages libres de mes compagnons de camping.



Une fois le morceau passé, j’ai finalement pu profiter du reste de la soirée. J’y ai fait plusieurs rencontres intéressantes, notamment celles de nombreux québécois envoyés en Inde par les bons soins de Robert. D’abord Maryse, finissante du collège Saint-Paul un an avant moi et qui connaît mon ex Bianca. Ensuite, Gordon, un sympathique enseignant qui entreprend un fantastique tour du monde. Sous la Voie Lactée et les étoiles filantes, lui et moi avons longuement discuté de nos projets respectifs. Je ne suis pas seul à rêver…

Le lendemain matin, après une séance de yoga, j’accepte la folle invitation de Ralph et je saute dans les eaux froides du Gange. Pour lui, c’est clairement un exercice spirituel, pour moi, l’expérience est forte, mais à un autre niveau. Se baigner dans ce fleuve sacré revêt un cachet fort particulier. On ne peut rester totalement indifférent face au passé millénaire du Gange. Pour les hindous, le fleuve est une déesse descendue des cieux pour sauver les hommes. La puissance de Ganga est telle que sa chute aurait causé la destruction de la terre si Shiva n’avait amorti le choc par sa longue chevelure. C’est donc avec un immense respect que nous sommes embarqués sur le raft qui devait nous ramener à Rishikesh. Bel endroit pour mon baptême de rafting… Les vagues immenses et les tourbillons nous ont donné quelques frayeurs mais la déesse a eu la gentillesse d’épargner nos vies.



Quelques jours plus tard, Hari nous invite au cinéma. C’est avec beaucoup d’excitation que j’envisage mon premier film de Bollywood (contraction de Hollywood et de Bombay, lieu de tournage de la plupart des films indiens). Nous allons voir Bhool Balayai, une histoire de maison hantée et de fantômes. L’ambiance dans la salle de projection est totalement survoltée. Les cellulaires raisonnent, les spectateurs parlent entre eux, ils réagissent bruyamment à la moindre blague, à la moindre montée dramatique. Lors des scènes de suspense, ils hurlent dans l’espoir d’effrayer le reste de l’auditoire. Au début du film, les premières apparitions des célébrités déclenchent cris, sifflements et applaudissements. Je n’ai jamais assisté à pareille réaction pour Rémi Girard. Au bout d’une heure et demie, nous avons droit à une intermission afin de nous ravitailler en popcorn et nourritures de toutes sortes. Au bout de trois heures et demi et quelques scènes troublantes alliant mariage et décapitation, le film s’est terminé. Je suis resté un peu sur mon appétit, nous avons eu droit qu’à deux chansons. Il faut préciser que les films indiens regorgent souvent de musique, de danses et de chansons. Hari nous a confirmé que ce n’était pas un Bollywood typique, ce n’est que partie remise…



Je quitte donc Rishikesh avec de merveilleux souvenirs. Cette ville qui m’a si bien réconcilié avec l’Inde et dans laquelle je devenais de plus en plus à l’aise, peut-être trop même. Voilà le signal qui dit au voyageur de poursuivre sa route. Car autant qu’il est agréable de se promener confortablement dans les rues d’une cité apprivoisée, rien ne remplace l’excitation et le plaisir de découvertes ressenti lors de l’exploration de nouveaux chemins. La route se poursuit vers le monastère de Menri, près de Solan, où je projette de passer quelques jours avant d’aller à Shimla.

Chalo, chalo, chalo !!! (Allons-y !)

mardi 16 octobre 2007

Inde - Sur la relativité du temps

Rishikesh

Badrinath, 6h00 : Alba et moi embarquons dans le bus. Nos billets indiquent l’avant dernière rangée, ça risque de brasser.

Badrinath, 6h30 : Après la prière collective, nous partons pour Rishikesh. D’après l’employé au guichet de la station d’autobus, nous devrions arriver vers 17h. Si mes calculs sont exacts, ça fait 10h30 d’autobus…

Encore à Badrinath, 6h31 : Tout le monde dort dans le bus, tout le monde sauf un vieil homme assis en avant de nous. C’est un prêtre aux cheveux blancs et aux vêtements orangés. Il parle si fort à son voisin que même le chauffeur doit l'entendre. Heureusement, je ne comprends pas l’hindi, je peux donc tenter de sommeiller.

Près de Josimath, vers 9h00 : Je m’aperçois que je n’ai toujours pas dormi. La route est beaucoup trop sinueuse et raboteuse pour se reposer. Le vieil homme parle encore. Alba et moi doutons qu’il ait eu le temps de respirer depuis notre départ.

À quelque part entre Badrinath et Rishikesh, vers 10h : Je songe à contacter le livre des records Guinness pour cataloguer le plus long monologue de l’histoire quand tout à coup, un homme derrière nous (logiquement à la dernière rangée), ose interrompre le verbomoteur. Le monologue devient alors dialogue.

Toujours à quelque part entre Badrinath et Rishikesh, vers 11h30 : La conversation entre les deux hommes tient toujours et les échanges deviennent de plus en plus virulents. Malheureusement, je ne comprends pas l’hindi, car j’aimerais bien connaître l’enjeu du débat.

À mi-chemin entre Badrinath et Rishikesh, vers 12h30 : Nous somme officiellement coincés en pleine troisième guerre mondiale. Le ton monte, les belligérants se multiplient, l’autobus est le théâtre d’une violente joute oratoire. SI au moins, je saisissais le propos, ça passerait le temps.

À quelque part où j’ai faim, vers 13h00 : L’homme assis derrière nous explique dans un anglais approximatif que le sujet du débat est l’environnement. Dans un anglais beaucoup trop approximatif, il nous explique les positions de chacun. Je n’y comprends strictement rien, pourtant, ce n’est pas de l’hindi.

Je me fous de savoir où on se trouve, pourvu qu’on s’arrête pour manger et pour enfin s’échapper de cette discussion qui n'en finit plus, vers 13h30 : Le bus arrête devant un petit restaurant, c’est la délivrance !

Dans un restaurant sur le bord de la route, vers 14h00 : Alba et moi mangeons tranquillement notre repas. Le bonheur est temporaire, le chauffeur a fini son chaï (le thé indien), tout le monde doit embarquer dans le bus, on repart.

Au milieu de nul part, vers 15h00 : L’autobus s’immobilise. Il n’y a pas de véhicule devant. Dieu merci ce n’est pas un glissement de terrain. À l’arrière, une voiture de police. Non, c’est pas sérieux !!! Le conducteur de l'autobus a enfreint un quelconque règlement de la route, et nous voilà paralysés pour environ une demi-heure.

Toujours au milieu de nulle part, vers 15h30 : Nous repartons. Je demande au contrôleur de l’autobus vers quelle heure nous arriveront à Rishikesh. Il me répond vers 18h. Il ne reste plus que deux heures et demi…

Encore loin de Rishikesh, vers 17h00 : C’est la quatrième fois que je prends cette fameuse route 58. Je commence à connaître certains repères et je doute que nous arriverons à 18h. Je pose la question à un passager qui estime que nous serons à Rishikesh à 19h30…

Je ne sais plus où nous sommes, vers 18h00 : Le soleil se couche rapidement. Rouler en autobus dans le noir, c’est dangereux. Toutefois, c’est beaucoup plus reposant car tous les passagers dorment profondément, même le vieux monsieur aux cheveux blancs.

En enfer, vers 19h30 : À la vitesse où nous roulons, je me demande vraiment si nous nous approchons ou si nous nous éloignons de Rishikesh. L’inconfort de mon siège m’a fait perdre la raison. Je jure de ne plus reprendre le transport public d’ici au moins une semaine…

À Rishikesh, 20h24 : Après 14 heures et demi passé dans cet autobus, j’en sors complètement épuisé.

Rishikesh, 20h25 : Finalement, ça s’est bien passé, nous avons atteint notre destination dans la même journée. C’est quand que je repars ?

mercredi 10 octobre 2007

Inde - Souvenirs d'enfance 3

Badrinath

Lors de ce périple en montagnes, j’ai poursuivi mon projet Souvenirs d’enfance. J’y ai pris quelques superbes photos d’enfants.

















mardi 9 octobre 2007

Inde - Quand les fous changent d'idee (suite)

Badrinath

Prêts pour la suite de cette histoire ? Juste pour vous remettre dans le bain, moi et mes trois nouveaux copains de voyage étions forcés de dormir dehors à cause d’un immense glissement de terrain. Le lendemain, après 24 heures d’attente et plusieurs faux espoirs de réouverture, la voie est libre (l’utilisation du singulier est ici parfaitement justifiée). Il nous faut maintenant trouver un autobus qui veut bien nous mener à Govindghat. Pas d’inquiétudes, cinq minutes plus tard, nous sommes confortablement assis dans un bus à facture plutôt moderne et avec seul compagnon de route le chauffeur et un jeune homme. Pour les deux heures qui nous restent à parcourir, nous avons un autobus à nous seuls. Quelque chose me dit que cela ne se reproduira pas souvent… surtout pas en Inde.

Le village de Govindghat n’est pas particulièrement intéressant. Nous y restons qu’une seule nuit avant de repartir aussitôt, sacs au dos, pour une longue montée de 14 kilomètres vers un autre village nommé Ghangaria. Une journée éreintante, j’ai presque tout mon équipement sur le dos et la fin du trajet se déroule sous une pluie battante et un peu de grêle ! C’est avec beaucoup de bonheur et de soulagement que nous sommes enfin arrivés dans ce bled perdu, point de départ de nombreux treks. À Ghangaria, c’est pas compliqué, on gèle. L’humidité et le froid sont tels que tous les villageois s’apprêtent à quitter l’endroit. Notre chambre non chauffée, l’inexistence d’eau chaude (même tiède), la gigantesque araignée dans la chambre, les visites répétées de Stinky Lola (notre souris favorite) et son attaque contre Alba, les restaurants sans porte et fenêtre malgré le froid de loup, tout ça n’aide en rien à rendre l’endroit chaleureux. Toutefois, nous apprenons une excellente nouvelle, la Vallée des Fleurs ainsi que le trek de l’Hem Kund sont toujours accessibles. Une autre belle preuve qu’on peut rarement se fier aux informations indiennes.





Le lendemain matin, nous partons pour la fameuse vallée. Une randonnée assez facile mais ô combien fantastique. La vallée est tout simplement grandiose, elle est entourée de plusieurs montagnes dépassant les 6000 mètres d’élévation. Comme son nom l’indique, elle abrite une étonnante variété de fleurs. Même si l’automne n'est pas la meilleure saison afin d’admirer la floraison, nous constatons tout de même la présence de quelques espèces et nous humons de merveilleux parfums tout au long de la randonnée. Il a bien fallu quitter ce paysage idyllique et revenir au village totalement déserté par la population locale et par la poignée sikhs qui profitent du dernier jour d’ouverture de leur temple au lac sacré d’Hem Kund.




C’est d’ailleurs à cet endroit que nous partons dès le lendemain. Alba ne se sentant pas bien, nous sommes trois à grimper les 1250 mètres de dénivelés qui nous séparent du lac sacré. Le chemin pour y arriver est ardu. On se croirait dans une interminable partie de Donkey Kong (les barils et le singe en moins). On monte en zigzaguant sans jamais voir la fin. Les quelques personnes que l’on croise sont des ouvriers népalais qui travaillent sur la route de pierres et des sikhs qui redescendent après avoir fermé le temple pour l’hiver. Pas un seul d’entre eux n’oublie de nous en faire la remarque, ne pouvant probablement pas imaginer une seconde que l’on puisse faire cette ascension difficile sans vouloir entrer dans le temple.



Parlons-en de ce temple ! Car oui, nous l’avons finalement atteint. Le site naturel est magnifique. Le lac, grand comme un terrain de football (football canadien pour être plus précis) est entouré de hauts pics enneigés. Le temple quant à lui (que mes amis sikhs me pardonnent), ressemble à un gros comptoir de crème glacé fait de ciment et de tôles. Les sikhs ne semblent pas faire de liens entre beauté et sacré. Peut-être est-ce tout à leur honneur… Malgré le fait que ce temple, entouré de déchets puants, cache la vue de ce qui pourrait être le plus beau panorama de la région, il ne réussit pas à ruiner complètement la beauté des lieux. Le sacré ici ne repose pas dans ce temple mais dans l’imposante nature qui l’entoure, peut-être que les sikhs l’ont compris mieux que nous… En redescendant, nous avons pu profiter des fabuleux paysages et de la gentillesse des ouvriers népalais avec lesquels nous avons partagé le thé et les biscuits. Afin de clore ce chapitre, je me permets un conseil, ne descendez pas trop vite une dénivellation de 1250m, votre tête pourrait exploser !



Ok, mettons quelque chose au clair, quand ça fait quatre jours que tu marches quotidiennement près de 14 kilomètres en montagne, ton corps te donne certains signaux. D’abord, dès le second jour, à la Vallée des Fleurs, mon petit orteil du pied gauche a commencé à montrer des signes de faiblesse. Le troisième jour, je viens de vous en parler, c’est la tête qui a très mal réagit au changement brusque d’altitude. Quatrième jour, je vous laisse deviner la partie du corps qui m’a fait souffrir. Premier indice, c’est pas mal à mi-chemin entre la tête et le petit orteil… Deuxième indice : Connaissez-vous la chanson « The house, the house, the house is on fire » ? Subitement, ma démarche est celle d’un joueur de football de l’université McGill suite à son initiation. Bref, j’espère que demain le feu sera éteint.



Nous sommes maintenant à Badrinath, ville reculée dans les montagnes. Ce matin, nous avions espoir de dormir un peu. Les trois dernières nuits ont été écourtées par des bruits et ce, dès 5h30 du matin. Que ça soit à cause de la construction ou d'une meute de jeunes étudiants indiens, dormir le matin s’est récemment avéré impossible. L’ashram (sorte d’hôtel communautaire, je simplifie) dans lequel nous passons la nuit à vraiment l’air d’un endroit parfait pour le repos, la méditation et pour les discours de Gandhi à 6h30 du matin !!! Quoi de mieux que de se réveiller abruptement sous les sages paroles du Mahatma claironnées par de puissants haut-parleurs. Décidément, l’Inde n’a pas fini de m’étonner.



Aujourd’hui, nous sommes allés faire un tour dans un charmant village tibétain. Mana est à moins de cent kilomètres de la frontière tibétaineet constitue le dernier village au bout de la route indienne. Le Lonely Planet avait raison de recommander cet endroit. Les majestueuses montagnes qui l’entourent, les minuscules ruelles qui séparent les maisons faites de pierres, les portes et les fenêtres en bois sculpté, les vêtements et les sourires traditionnels des villageois, tout cela fait de Mana une destination unique, un monde différent à l’intérieur de l’Inde. Évidemment, ça me donne le goût de tenter ma chance au Tibet, dans quelques mois. Pour l’instant, je retourne à Rishikesh avec Alba dès demain matin.





C’est avec un petit pincement au cœur que je laisse derrière Kendall et Laurent. Ils demeurent dans la région encore quelques jours afin de faire de la randonnée. Le quatuor se sépare en deux. Nous avons eu tellement de plaisir cette semaine !!! J’espère sincèrement que le destin nous permettra de nous revoir plus loin sur la route. Alba et moi devons retourner à Rishikesh. J’espère vraiment pouvoir rejoindre Karine, Annick et Chantal, mes trois amies de Montréal. Je n’ai pas de nouvelles récentes d’elles car depuis une semaine, je n’ai aucun accès internet. J’ai vraiment hâte de connaître leurs premières impressions de l’Inde.

mardi 2 octobre 2007

Inde - Quand les fous changent d’idée

Badrinath

J’adore Rishikesh, je commence à y être parfaitement à l’aise. Et c’est justement ce qui m’énerve, je sens que je dois voir autres choses, d’autres lieux. Voilà pourquoi l’invitation de Kendall m’a plu. D’abord, faisons les présentations. J’ai rencontré Kendall (une américaine de l’Oregon) et Alba (une espagnole, que dis-je ! une catalane de Barcelone) au German Bakery, un resto ayant une superbe vue sur le temple et le pont de Rishikesh. Donc voilà, Kendall voulait aller faire un tour à la Vallée des Fleurs. Il faut dire que cette région était dans mes plans, on en dit beaucoup de bien. Cependant, j’avais un peu renoncé à m’y rendre compte tenu que le trek de Chaderashila avait déjà constitué toute une aventure dans les montagnes. Je ne m’imaginais pas retourner dans ces régions éloignées, et encore moins en autobus public…



De plus, nous avions entendu toutes sortes de rumeurs concernant la fermeture hâtive et prochaine de la vallée et des treks qui l’entourent. Mais bon, suis-je devenu fou ? Moi qui, à peine deux jours plus tôt, aurais juré de ne plus reprendre la route pour au moins une semaine. L’appel à l’aventure est plus fort, je contacte Kendall et on part ! À la veille du départ, Alba aussi se laisse tenter par cet appel au changement. Nous serons trois, le départ est à 4:00 am ce mercredi.

Levé à 2:30 am, question de se rendre à la station d’autobus en avance afin de s’assurer les meilleures places, c’est-à-dire complètement à l’avant (l’état des routes procure de sérieux maux d’estomac aux passagers à l’arrière). Je peux vous dire qu’il fait noir à Rishikesh à trois heures du matin… Même les vaches sont couchées ! On s’était fait dire qu’il y avait des rickshaws la nuit… Une autre information erronée, bienvenue en Inde !!! Pas trop le choix, on marche jusqu’à la station de bus. C'est vraiment étrange de se balader dans ces rues désertes. Les artères sont méconnaissables. Le chaos et le tumulte de la journée ont laissé place au vide et au silence. troublants. Nous sommes un peu de retard sur notre horaire (en Inde, les plans sont réconfortants mais inutiles. Pourtant, notre mission est un succès, nous sommes assis à l’avant. Malgré le flagrant manque de sommeil, je n’arrive pas à dormir dans ce bus qui, presque vide au départ, se remplit à vue d’œil. Rapidement, la totalité de la population indienne semble prendre place dans le dit véhicule. Nous sommes évidemment les seuls étrangers à bord mais pas les seuls étranges…

Il y a ce type complètement « stone » qui veut acheter notre amitié en nous offrant des bananes. Il s’endort dans le petit compartiment à côté du chauffeur. Il dérange tout le monde qui s’y trouve (car effectivement, plusieurs personnes occupent déjà ce compartiment, pourtant si restreint). Notre énergumène s’étale de tout son long, occupant beaucoup trop d’espace dans un autobus indien. Il allonge ses jambes près du bras de vitesse, un peu trop près au goût du chauffeur, beaucoup trop près à mon goût à moi (je rappelle à ceux qui n’ont pas lu les chroniques précédentes que les ravins sont monstrueux dans cette région). Après plusieurs heures de route, un quatrième étranger monte dans le bus. À le voir, je parierais que c’est un Français, j’ai l’œil pour nos cousins. Toutefois, la quantité de monde autour de nous ne permet pas les présentations. On roule donc pendant près de huit heures. Tout va si bien, pas de gliss…

Merde !!! Je vois des voitures garées de chaque côté de la route, une dernière l’autre. Il fallait s’y attendre, encore une fois, la voie est bloquée par un glissement de terrain. Cette fois-ci, c’est différent, nous sommes dans un autobus public. Tout le monde descend, on se fait rembourser la distance non parcourue et on fait connaissance avec Laurent, le Français (je vous l’avais dit!). Ensuite, on marche vers le vilain glissement de terrain, espérant pouvoir le traverser à pieds et prendre un bus immobilisé de l’autre côté. Fort de l’expérience des deux autres glissements, je crois tout savoir à leur sujet. J’apprend encore une fois qu’il ne faut rien prendre pour acquis au pays de Vishnu. Cette fois, la route n’est pas vraiment bloquée, elle a plutôt disparue… La montagne entière s’est écroulée ensevelissant le chemin et l’entrée d’un pont qui permet de rejoindre l’autre rive d’une rivière. À notre arrivée, des pierres, parfois grosses comme des enclumes dévalent la pente encore instable. Nous décidons donc de trouver un petit endroit calme pour attendre, regarder les cailloux tomber et observer un spectacle tout à fait surréaliste.



D’abord, sur le pont, une immense foule attend pour traverser. De notre côté, les gens sont plus dispersés, essayant de trouver un moyen de monter sur le pont, et ainsi, accéder à l’autre rive. Un arbre, stratégiquement positionné permet aux impatients de grimper, non sans effort sur le tablier du pont. Mais le plus désolant, c’est d’observer ces désespérés qui essaient de traverser le glissement de terrain en se protégeant derrières les plus gros rochers au bas de la pente. Encouragés par la foule qui crie au moindre caillou, ces courageux fous risquent leur vie dans le seul but de sauver du temps. Bon, il est vrai que la situation ne permet pas d’être optimiste. Nous savons nous-mêmes qu’il faudra bien plus que quelques heures pour dégager la route. Nous ne restons pas longtemps à regarder ce triste et stressant spectacle.



Les scènes devant nous sont inimaginables : le sauvetage d’un type qui s’est fracturé la jambe par un rocher suivi d'une séance de dynamitage plutôt extrême. Tout ce chaos et ce bordel devant quelques policiers armés de sifflets et ayant autant d’autorité que des scouts à la Saint-Jean-Baptiste… Il y a aussi ce groupe de conducteurs de motocross qui, croyant que leur « suit » rouge et leur casque de moto les protègeront suffisamment contre les menhirs qui tombent, s’amusent à traverser la zone dangereuse à qui mieux mieux, ne faisant qu’encourager les autres au suicide. Je n’ai jamais vu quelque chose de pareil, je découvre une autre planète.



Ô surprise ! Les deux hôtels de notre côté affichent déjà complet. Heureusement, Laurent, notre nouvel ami, a une tente. Nous installons donc notre campement dans la cour intérieure d’un de ces hôtels. Le personnel compréhensif accepte notre présence et nous permet d’utiliser leurs toilettes. Il faut dire que les quatre occidentaux que nous sommes ne passons pas inaperçu. Les Indiens sont très curieux de savoir d’où nous venons, où nous allons, sommes-nous mariés, etc. Si j'en avais l'intention, je pourrais trouver une épouse en moins de quinze minutes. Troublant… Après une séance de photos interminables, nous pouvons discuter avec plusieurs Indiens. La majorité présente est de confession sikh (reconnaissable par les turbans, la longe barbe et le kirpan) car nous sommes sur le chemin de deux importants lieux sacrés sikhs : la ville de Badrinath et le lac sacré d’Hem Kund. Nous avons la ferme intention d’aller les visiter, nous aussi.



À suivre…

Inde - SE2 - Do you want to play ricket ?

Rishikesh

Aujourd’hui, je me lève de bonne heure car je poursuis le projet Souvenirs d’enfance. D’abord, je veux vérifier s’il ne serait pas possible de trouver des films polaroid ici à Rishikesh. Après plusieurs magasins, je me rends à l’évidence, ça ne sera pas si facile d’en trouver. Et puis, tout à coup, la chance me sourit, un marchand en possède deux. Il me les offre pour 600 roupies (15$) ce qui équivaut au prix que j’ai payé à la maison. Prudent, j’en achète un pour le tester car la boîte est un peu différente. C’est donc avec beaucoup d’espoir que je pars à la recherche d’enfants. Si seulement je pouvais m’approvisionner directement ici. Malheureusement, je déchante assez rapidement, le film n’est pas compatible avec mon appareil. Je ne baisse pas les bras, j’ai encore plusieurs films et donc, beaucoup de photos à donner.




Je retourne d’abord sur un petit chemin où, il y a quelques jours, j’avais croisé des petites filles habitant une très modeste demeure. Elles y sont toujours, j'offre à chacune d’elles une photo. Toute la famille est ravie, moi aussi ! J’adore ce contact avec la population locale. Plus tard, je donne une photo à un petit garçon, fils de marchand. Son père m’invite à m’asseoir dans sa boutique, il me montre le fruit de son travail, des minuscules éléphants finement taillés dans la pierre. Il me désigne fièrement l’endroit bien précis dans le magasin où la photo de son fils va être délicatement placée.



En poursuivant mon chemin, je tombe sur un groupe de jeunes garçons jouant au cricket dans un petit terrain vague, un lieu qui ne ressemble en rien à un terrain de cricket. Je leur explique mes intentions photographiques. Aussitôt compris, c’est le bordel ! Ça crie, ça se bouscule, ça se frappe… « No pushing ! » que je leur lance sévèrement. Ils comprennent et s’assagissent pour un moment. Un à un, je leur donne une photo, ils sont environ une quinzaine. Une fois l’exercice terminé, une fois le merveilleux contact établi, c’est l’apothéose : « Do you want to play ricket ? » (les Indiens ne semblent jamais prononcer le « C » dans « Cricket »). Ceux d’entre vous qui me connaissent bien, savent avec quel plaisir j’ai accepté l’invitation. Ils me font même l’insigne honneur d’être capitaine et de choisir mes coéquipiers.




La partie débute, ils veulent que je lance, ils veulent que je frappe, nous avons tous beaucoup de plaisir. Quand nous faisons un bon coup, les jeunes viennent à moi en sautant, en riant, en me prenant les mains, c’est tout simplement génial ! Le jeu est un élément qui nous unit tous sur cette planète. J’espère pouvoir répéter l’expérience à d’autres occasions car c’est véritablement une façon de tisser des liens avec les gens du pays. Une manière de partager un moment d’humanité. Pour l’espace d’un instant, je ne suis plus qu’un simple touriste. À leurs yeux, je demeure un étranger, toutefois, je deviens un momentanément un ami. Je me souviendrai longtemps de ces jeunes Indiens rieurs et de leur sourire.







lundi 1 octobre 2007

Dragons - Vive les montagnes

Salut Vincent !

Comment vas-tu mon grand ? Moi, je vais très bien. Je suis présentement dans une jolie petite ville qui se trouve près de l’Himalaya, les plus hautes montagnes du monde. Ici, on est tout près de la nature. Il y a tout autour de la ville des petites montagnes et le fleuve sacré, le Gange. Il y a beaucoup d’arbres et on peut voir des singes en liberté. Ils se promènent partout en ville, sur le toit des maisons !!! Il faut faire attention car ils peuvent essayer de nous voler si on se ballade avec de la nourriture.

Je reviens tout juste d’une longue promenade de 4 jours en montagne. Ici, les montagnes sont immenses, elles sont plus hautes que certains nuages. On a marché pendant des heures dans la jungle indienne. Notre guide nos a dit qu’il y avait des serpents, des ours et des léopards, mais heureusement, je n’en ai pas vu. J’ai demandé à Vikram, notre guide, s’il avait déjà vu des dragons. Il m’a dit que non mais qu’il existe plusieurs légendes à ce sujet. Dans la montagne, nous n’en avons pas aperçu mais j’ai pris en photo un immense caca. Seul un gros animal peut faire un caca aussi énorme. Peut-être est-ce le premier indice de l’existence des dragons ?

J’espère que j’aurai bientôt des nouvelles de toi ! Je pense souvent à toi et à toute la famille. Je t’embrasse fort. Donne un gros bisou à ta sœur de ma part.

Ciao !
Olivier xx

Inde - Le sommet de Chanderashila

L'Himalaya indien

C'est à Rishikesh que ma première rencontre avec l'Himalaya s'est planifiée. Je me suis inscrit à un trek qui devait m’amener dans les montagnes au nord du pays. Nous étions sept touristes : deux couples d’Allemands, un couple des Pays-Bas et moi. À notre groupe s’est ajouté notre guide Vikram, notre cuisinier nommé Som et quelques porteurs. Notre destination : le sommet du mont Chanderashila à plus de 4000 mètres d’altitude.

D’abord, il a fallu quitter Rishikesh. Pour joindre notre premier campement, nous devions rouler en jeep à travers les montagnes pendant huit heures. Ici, les routes sont incroyables. Non seulement à cause des paysages magnifiques qui défilent mais aussi à cause des vertigineux précipices que frôlent constamment les roues de nos véhicules. Une seule fausse manœuvre et c’est le plongeon. Et quand je dis plongeon, il n’est pas question ici de débouler une pente raide pendant quelques secondes. Les précipices sont tels que la jeep tomberait sans toucher le sol pendant plusieurs interminables secondes, me laissant probablement le temps de prendre quelques photos… Mais ne vous inquiétez pas, les chauffeurs ont l'habitude.



Il faut ajouter que les routes sont extrêmement étroites, ce qui laisse à peine assez d’espace pour laisser un véhicule en sens inverse. De plus, on ralentit car les chemins sont pour le moins qu`on puisse dire cahoteux. Donc, le trajet aurait déjà été une aventure en soi si ce n’était du glissement de terrain qui a bloqué la route et qui nous a forcé à l’arrêt pendant deux heures. C’est le temps que cela a pris à une vingtaine d’hommes pour dégager la route de cette immense coulée de boue. Je ne sais pas si vous avez déjà roulé à l’endroit même où quelques heures auparavant, une partie de la montagne s’est subitement détachée, mais c’est une expérience haute en émotions.

C’est donc avec un important retard que nous sommes arrivés au village duquel nous devions entreprendre une marche d’une heure avant d’atteindre notre premier campement. C’est dans le noir que nous avons grimpé, avec la rassurante consigne de toujours rester groupé, les léopards étant nombreux dans la région… Je peux vous dire que tu y penses à deux fois avant d’aller faire ton petit pipi en pleine nuit. Pas besoin de vous rappeler qu’il fait froid en montagne, l’Inde ne fait pas exception à ce chapitre. Je dirais que la température a certainement frôlé les 5 degrés Celsius au cours des trois nuits passées sous la tente.



C’est donc après un déjeuner de roi que nous avons entrepris notre première véritable journée de marche. Quatorze kilomètres à travers la jungle indienne ce n’est pas banal. La forêt est magnifique, les paysages grandioses et nous avons même fait une rencontre inattendue, un berger et son troupeau de chèvres. Épuisés, nous avions tous très hâte d’atteindre le second campement. Ce dernier était superbement situé, à flanc de montagne, dans une clairière où se promènent librement chevaux et buffles. Après le souper, nous sommes tous allés nous coucher, morts de fatigue, il était à peine 20h30.



Le lendemain matin, au grand bonheur de tous, le départ pour le sommet a été retardé pour cause de mauvais temps. C’est tout de même sous la pluie que nous avons débuté l’ascension. En terme d’effort physique, la journée de la veille n’était rien à comparer de ce qui nous attendait. L’interminable montée a duré environ quatre heures. 240 minutes de pente raide sur un petit chemin de pierres. À cette altitude, l'air se raréfie, la respiration est très importante. Je n’ose pas imaginer ce que c’est à 5, 6, 7 ou 8 000m… À une demi-heure du sommet se trouve un temple hindou de dédié à Shiva, le dieu destructeur. Je suis le seul du groupe a avoir courageusement emprunté le chemin pour s’y rendre. Il faut croire que les cent mètres de montée supplémentaires ont découragé tous les autres.



Au temple, un homme trop légèrement vêtu m’a invité à entrer. Respect oblige, j’ai enlevé mes souliers et c’est nu pied que j’ai pénétré à l’intérieur. Au sol, les pierres froides et humides ont tôt fait de me geler les orteils. Mais l’expérience reste inoubliable. Dans cette petite sale, éclairée par quelques bougies, l’homme m’a donné des explications en hindi avant de réciter des prières chantées. Il y a des instants comme ceux là qui donnent un sens au voyage. J’étais définitivement ailleurs, dans un autre monde. J'étais désormais dans l’univers de cet homme avec qui je ne partage pas grand-chose et tout à la fois. Avant de sortir, il appliqua sur mon front une sorte de boue orangée, symbole de bénédiction ou de protection. Je pouvais alors poursuivre mon chemin, revigoré par cette expérience unique.



J’ai parcouru la dernière portion avec une bonne cadence pour finalement atteindre le sommet. Une vue imprenable en 360 degrés. Le temps n’était malheureusement pas notre allié. Il y avait trop de nuages pour admirer d’un seul coup le panorama. Nous pouvions toutefois distinguer clairement la gigantesque barrière de montagne qui sépare l’Inde de la Chine. Le paysage n’était pas notre seule récompense, nous étions tous habité par le sentiment du devoir accompli. Après tant d’efforts, l’objectif était atteint.



Nous sommes donc retournés au campement pour profiter du reste de la journée. Le destin a voulu que pendant notre descente, le temps s’est totalement éclairci et ce, jusqu’à notre départ le lendemain matin. Ces quatre jours m’ont permis de faire de belles rencontres. Wendell et Meggie, Felix et Corina, Hilona et Christian, et notre cher guide Vikram. Ils feront à tout jamais parti de mes souvenirs. Le retour à Rishikesh fut long et difficile. Nous avons encore été bloqués par un glissement de terrain. Cette fois, nous avons attendu trois heures sur le bord de la route afin que l’on dégage le chemin des grosses pierres qui y étaient tombées. Complètement exténués, nous sommes rentrés au bercail. Il me faudra bien quelques jours pour me remettre de cette folle expédition. Je vais en profiter pour faire un peu de lavage, un peu de yoga, un peu de repos, j’en ai grandement besoin...