dimanche 30 mars 2008

vendredi 28 mars 2008

Nepal - Vol TD-319 à destination du bonheur

Katmandou

Il existe un endroit hors du temps, hors des lieux, un endroit qui me fait rêver. Un endroit qui respire la liberté. Et oui ! Je suis encore à l’aéroport. Pas de besoin de vous dire que je m’y sens bien. Je déambule dans les allées. Porte A4, les gens attendent patiemment leur vol pour Melbourne. Porte A6 : Johannesburg. Porte B2 : Dubaï. Porte B5 : Osaka. Le monde entier semble s’ouvrir à nous. Parmi ces voyageurs, certains rentrent auprès de leur famille, depuis trop longtemps quittée. Les autres partent pour une nouvelle vie, vers un ailleurs qu’ils souhaitent meilleur. Enfin, d’autres, comme moi, sont excités à l’idée de découvrir des lieux encore inconnus, des lieux qui les font rêver. Mon rêve à moi, il débute à la porte C1 : vol TD 319 pour Katmandou. J’ai cette impression d’un nouveau départ. Je laisse derrière moi l’Asie du sud-est, je quitte définitivement mes trois compagnes de voyage. Je plonge seul et confiant dans les bras de ce Népal que j’ai choisi.

Dès les premiers instants, je me félicite d’avoir fait ce choix. À bord de mon taxi, un vieux Suzuki Swift des années quatre-vingt, je parcoure les rues de la capitale. Les saris colorés, les échoppes de sucreries, les cyclo-pousses, le poulet au beurre, le thé tchaï, les odeurs de cumin et de curie, je retrouve les plaisirs indiens tant adorés. L’envahissante poussière, l’insistance des polisseurs de chaussure, les incessantes invitations des chauffeurs de taxi, l’avarice des marchants, l’audace des mendiants, c’est presque avec plaisir que je renoue avec ces petits désagréments. L’Inde m’avait ensorcelé, le Népal me séduit rapidement. J’ai hâte d’en découvrir les particularités. Demain sera un jour merveilleux. Je sens que je vais bien dormir.

jeudi 27 mars 2008

Thailande - Les gens heureux ne consomment pas !

Bangkok

J’ai vu l’Inde, j’ai vu le Laos et le Cambodge, j’ai vu la misère. J’ai vu des hommes et des femmes rayonnant de bonheur malgré leur condition de grande simplicité. J’ai vu, mais je n’ai apparemment pas compris ce qui rendait l’homme heureux. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur. Nous savons tous que ce n’est pas totalement exact. Il faut parfois des sous pour réaliser certains rêves. Pourtant, comment se fait-il alors que le monde est rempli de malheureux fortunés et de joyeux pauvres?

Nous recherchons tous le bonheur. À la maison, on s’arrête trop peu souvent aux façons d’y parvenir. En voyage, la simplicité involontaire à laquelle je suis confronté m’inspire un temps de réflexion. Je ne suis pas seul à méditer sur les voies de la félicité. Il s’agit là d’une préoccupation de bon nombre de routards rencontrés sur la route. Ils disent souvent vouloir changer leur train de vie dès leur retour à la maison. C’est tout à fait honorable. En effet, le globe-trotter ne peut regagner son quotidien sans effectuer quelques changements. Tel des médecins du bonheur nous nous prescrivons de nouvelles habitudes de vie. Voici ma prescription : moins de consommation, plus de simplicité, moins d’artificiel, plus d’authenticité, moins de télé, plus de temps, moins de biscuits, plus d’exercices, moins de faux, plus de vrai, moins de haine, plus d’amour.

Tout ça, c’est bien joli mais ce nouveau régime durera combien de temps ? Quelques saisons, quelques mois, quelques semaines, quelques jours… La machine ne tardera pas à nous avaler de nouveau. Les millions de messages publicitaires, le prestige des marques de commerce, la nouvelle tondeuse du voisin, ça nous rattrapera tous un jour.

Nos intentions sont pourtant bonnes. Nous cherchons à nous débarrasser de ces vieux réflexes plutôt malsains. Malgré nos efforts, les plis sont déjà fort imprégnés. Même au plus profond du Laos, la machine est venue me tenter avec un nouveau besoin. Cette fois, le serpent du Mont des Oliviers a pris une forme plutôt inattendue : un appareil photo. Je vous explique. Vous connaissez maintenant Greg et Marie avec qui je voyage depuis quelques temps. Imaginez-vous donc que ce couple angélique possède une caméra numérique reflex qui leur permet de prendre des photos incroyables, rendant instantanément mes propres clichés totalement inintéressants. À leur contact un nouveau besoin est apparu, une nouvelle tentation me ronge. Vérification faite, ils ne sont pourtant pas des agents de Lucifer.

Comment, après six mois de voyage, un besoin peut-il faire son apparition et prétendre être essentiel ? Mon voyage est-il si désagréable ? Mes photos sont-elles à ce point terribles ? La réponse est évidemment non. Alors pourquoi ? Pourquoi ai-je cette irrésistible envie d’avoir une caméra reflex ? L’appareil me rendrait t-il plus heureux ? Permettez moi d’en douter…

Nous sommes le 27 mars, je passe la journée à Bangkok en attendant mon vol de demain pour Katmandou. Au petit déjeuner, j’annonce à mes compagnons de voyage que cette journée pourrait être officiellement reconnue comme la journée internationale sans achat. Ce jour allait devenir une date symbolique, un tournant historique, le début d’une révolution. Consommateurs de tous les pays, unissez-vous ! Il est 11h30, je suis au plus grand magasin d’électronique de Bangkok. Une heure plus tard, je prends un taxi en direction de ma Guest House, un paquet sous le bras… La machine m’a bouffé tout rond. Comme tout bon pécheur, je suis jongle entre excitation et culpabilité. Je prends connaissance avec ce nouveau joujou, cet engin diabolique. Irai-je en enfer ? Combien de temps au purgatoire me vaudra cette faiblesse ? Je devrais peut-être demander à mon chauffeur de taxi de m’amener vers le plus grand magasin d’indulgences de Bangkok. C’est la cité des anges après tout !

Ma nouvelle caméra me rendra t-elle plus heureux ? J’en doute toujours… Un objet a-t-il vraiment ce puissant pouvoir sur nous autres, êtres humains ? Pour le savoir, je devrai attendre quelques jours, le Népal me le dira bien assez vite. La suite, très bientôt…

mardi 25 mars 2008

Cambodge - Clio n’a pas fini de se répéter

Siem Reap

Me voici à Siem Reap. Une ville dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler mais qui pourtant recèle, non loin de son centre, un véritable trésor de notre patrimoine mondial. Siem Reap est non seulement la destination touristique la plus fréquentée du Cambodge, elle constitue une étape incontournable pour quiconque aime l’histoire, l’archéologie ou plus simplement la beauté. Angkor, un réseau de temples répartis sur 400 kilomètres carrés, le Walt Disney des archéologues, le remarquable témoin d’un empire dont l’Occident ignore tout de l’ampleur et de la magnificence.

Sept jours à travers les ruines d’une civilisation plus que millénaire. Sept jours dans un tout autre espace-temps. Bien évidemment, il faut aimer les vieilles pierres, il faut les écouter, elles ont beaucoup à dire. Elles racontent la fascinante histoire de l’empire khmer. Des tous débuts jusqu’à son apogée, époque où elle régnait sur l’ensemble de l’Asie du sud-est : de la Thaïlande au Vietnam, en passant par le Laos et bien sur le Cambodge. Un empire qui pendant quatre siècles jouissait d’une puissance telle qu’il se lança dans une série de constructions monumentales.

Angkor, ce n’est pas juste des splendides temples à l’architecture raffinée. C’est également d’impressionnantes fortifications qui protégeaient des cités aujourd’hui englouties par la jungle. C’est aussi de gigantesques bassins alimentés par un réseau complexe de canaux qui assurait un approvisionnement en eau dans une région sèche pendant un peu plus de six mois par an. L’unicité du site provient en partie du fait qu’au cours des siècles, la jungle a envahi les lieux. La mousse recouvre les pierres, les racines s’émissent dans les moindres interstices, les arbres poussent parmi les ruines.

La nature détruit, pierre par pierre, ce que l’homme a construit L’homme ne devrait pas sous-estimer la puissante alliance que forment la nature et le temps. Quelques siècles ont suffi pour reléguer un empire en une vieille civilisation perdue au fin fond de la jungle, au plus profond de notre mémoire collective. Depuis le début des temps, l’Histoire s’est répétée, elle se répète encore aujourd’hui, elle se répétera assurément demain. La visite d’Angkor n’est pas qu’un magnifique voyage vers un passé grandiose, c’est aussi une autre de ces leçons de la belle Clio. Un jour, la terre sera un immense Angkor…


vendredi 21 mars 2008

Cambodge - Nous quatre

Siem Reap

C’est aujourd’hui la fin d’une belle aventure. Un nouveau chapitre s’ouvre pour chacun d’entre nous. Karine et Annick partent pour Phnom Penh, elles rejoindront le Vietnam d’ici une semaine ou deux. Chantal s’envole demain pour Bali. Dans trois semaines, elle sera à Montréal. Pour ma part, je serai à Katmandou dans moins de sept jours.

C’est donc à Siem Reap que nos routes se séparent. Le tout a débuté à Rishikesh. Depuis, tant de lieux visités, tant de sourires complices, tant de repas partagés, tant de rires incontrôlables … Le rafting sur le Gange, le party jour de l’an, les nuits à Chiang Mai, le trek de Mae Sariang, les deux jours sur le Mékong, les folies de Sukhothai, l’apparition du voleur à Shimla, la partie de poker à Vieng Phukha… et j’en passe. Ces moments inoubliables sont à nous pour toujours.

Annick, Karine et Chantal, je veux simplement vous dire que ce fut véritable bonheur de partager ces bouts de chemins avec vous. Siem Reap n’est toutefois pas la fin. Je vous donne rendez-vous, dans quelques mois, à Montréal afin que l’on puisse non seulement se remémorer ces milliers d’anecdotes mais également pour en créer de nouvelles…

Your brother…
Olivier



lundi 17 mars 2008

Cambodge - Un peu de Zak parmi eux

Phnom Penh

Six mois déjà que je suis parti, ma maison sur le dos. 182 jours de pures découvertes et de surprises. 398 heures passées en mouvement. Cinq pays explorés. Des centaines de villes parcourues. Des milliers d’êtres humains rencontrés. Des millions d’images imprimées dans ma mémoire. 172 polaroids offerts à des enfants. Quarante textes publiés sur mon blog. Un seul rêve, toujours le même.

En prenant l’avion vers Delhi le jour de mes 29 ans, j’avais déjà marqué certaines dates à mon calendrier. Certains lieux ou rendez-vous me faisaient déjà saliver : l’arrivée des filles à Rishikesh, mon séjour à dos de chameaux dans le désert du Thar, la visite du Taj Mahal, le tour de l’Annapurna, le jour de l’an à Ko Lanta, la visite d’Angkor Wat… Parmi tous ces moments appréhendés, il y en a un qui sortait du lot : ma mission à Phnom Penh pour le petit Zakary-Deka. Pour ceux qui l’ignorent encore, cette belle histoire a débuté peu avant mon départ, en août dernier. J’ai reçu ce courriel :


Bonjour Olivier,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'article à ton sujet dans la Seigneurie il y a déjà quelques mois. J'ai trouvé ton projet de voyage tripant pour le voyage lui-même, pour ton projet souvenirs d'enfance et plus particulièrement pour les pays d'Asie du sud-est que tu visiteras.

J'ai eu la chance d'aller au Cambodge deux fois il y a 4 ans pour aller y chercher mon fils adoptif. Un merveilleux petit garçon qui venait compléter notre famille de trois enfants (deux filles bio. aussi).
Quelques mois après son arrivé au Québec, nous avons entrepris des démarches afin de retrouver sa famille biologique (sa mère, un frère et une soeur) afin d'obtenir des photos et plus d'informations sur ses origines et ça a marché! Nous aimerions reprendre contact avec eux mais il nous est impossible de le faire par la poste puisqu'ils habitent un village en banlieue de Phnom Penh.
Avoir de leurs nouvelles et donner des nôtres nous rassurerait. J'ai pensé à toi et ton projet souvenirs d'enfance... Alors si ce défi t'intéresse et que tu trouves qu'il entre dans ton projet je te donnerai plus de détails, toutefois j'espère que tu te sentiras des plus à l'aise de me répondre honnêtement peu importe ta décision. Je suis consciente aussi que même si tu acceptes, tu dois te sentir libre de changer tes plans en cours de voyage.

Merci d'avoir pris de ton temps précieux de préparatifs pour me lire et bon voyage!!!

Magalie



Comment pouvais-je refuser une telle demande ? J’appréciais particulièrement la lucidité avec laquelle Magalie m’a approché. Je ne sentais aucune pression, je demeurais maître de mes déplacements. Dès le départ, ce projet m’a emballé. Il s’agissait de l’occasion idéale afin de sortir des sentiers battus, de rencontrer la population locale, d’échanger avec elle. De plus, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de donner un certain sens à son voyage. Je ne me souviens plus si je vous l’ai dit, mais je pense que voyager est un acte purement égoïste. Voilà une belle occasion de prouver le contraire. Enfin, cette mission m’excitait particulièrement puisqu’elle comportait des éléments de mystère, des variables inconnues, un caractère d’imprévisibilité, une possibilité d’échec…


Avant mon départ, j’ai donc rencontré Magalie, Christian, Zak et ses deux sœurs Anouchka et Loukia. Ils m’ont gentiment invité à leur table pour un délicieux repas cambodgien. Ensuite, ils m’ont alors transmis des photos et un texte à remettre à la mère biologique. Pour faciliter mes recherches, ils m’ont donné une photographie de la famille à retracer ainsi que le nom du village, de la commune, du district et de la province. Ces renseignements, je les ai précieusement conservé jusqu’à mon arrivée au Cambodge. Pour être franc, je n’ai jamais envisagé de retirer ce pays de mon itinéraire. Les trésors d’Angkor et la visite de Phnom Penh représentaient des incitatifs de poids auquel la mission venait simplement s’ajouter.


Dès mon arrivée dans la capitale, j’espérais me procurer une carte des environs afin de connaître le lieu de mes recherches. Malheureusement, les premières cartes trouvées n’étaient pas assez précises. La seule information que j’en tirais était la vaste étendue de la province de Kandal. Rien d’encourageant, la dite province est énorme, je devais absolument circonscrire le lieu de mon enquête. Les jours ont passé, toujours pas de plans détaillés de la région. Le propriétaire de notre Guest House parlait un excellent français mais connaissait trop peu les environs pour m’aider adéquatement. Il se demandait bien ce qui justifiait tant d’efforts. En lui expliquant, j’ai senti que la motivation l’avait gagné à son tour. Un appel téléphonique plus tard, nous connaissions l’emplacement du district. Bonne nouvelle, c’était bel et bien relativement près de la capitale. Toutefois, le district était toujours trop vaste pour tenter une recherche aléatoire à travers la cinquantaine de villages.

Le jour même, alors que je faisais quelques achats de souvenirs aux marchés, je tombai sur une carte de la fameuse province de Kandal, avec ses districts, ses communes et ses villages… J’avais enfin trouvé ma carte, la situation n’était pas vraiment propice à une ferme négociation avec le marchand. La partie n’était pourtant pas gagnée, aucun village ne correspondait au nom de « Rumcheng Krom ». Me voilà bien embêté ! Parmi les cinq villages de la commune de Puk Ruessei, celui de Puk Ruessei Kraom constituait un choix logique. Tout ce qui me manquait, c’était quelqu’un pour m’y emmener. Je vous évite les détails mais je dirai simplement qu’il n’est pas facile d’obtenir les services d’un chauffeur de motocyclette honnête, prudent et qui se débrouille sommairement en anglais. Celui que j’ai finalement déniché n’avait décidément pas un baccalauréat en traduction, mais il semblait honnête. Il ne se démarquait pas particulièrement des autres cambodgiens de par sa méthode de conduite, il roulait en maudit fou !!! Afin de rassurer ma mère et ma sœur, sachez que je portais un casque protecteur. Enfin, je crois…




Après des milliers de dépassements interdits, des centaines de manœuvres dangereuses, des dizaines de kilomètres parcourus sur une route cahoteuse et une traversée du Mékong en ferry, nous arrivions tout près de la destination. Je sentais l’excitation m’envahir, les papillons avaient gagné mon estomac. C’était finalement aujourd’hui le grand jour. Celui que j’avais si souvent tenté d’imaginer. Assis sur la moto, je m’aperçu que cela faisait exactement six mois que j’étais parti, nous étions le 17 mars. Comme le hasard fait parfois bien les choses !

En traversant ces villages où aucun touriste ne va, je provoquais la surprise et l’étonnement. Je me sentais observé et épié mais je me sentais d’abord fort privilégié de vivre ces moments. En arrivant au village ciblé précédemment, le travail de mon chauffeur était désormais pratiquement terminé. L’entente était claire, il trouvait la bourgade, je trouvais la famille. À moi de jouer ! Photos à la main, j’approchais les habitants en espérant qu’ils puissent reconnaître un visage. Tour à tout, les tentatives s’avéraient infructueuses. Je n’aurais sans doute pas eut moins de réaction si j’avais présenté la photo de la famille Adams. Aux villages voisins, les résultats étaient tout aussi négatifs. Les échecs successifs me rappelaient l’ampleur du défi. Je sentais que mon chauffeur n’y croyait plus. À cet instant, pour une des rares fois, j’ai douté. Et si c’était impossible ! Et si je n’y arrivais pas !

Heureusement, le doute a fait place l’espoir lorsque finalement, au milieu de nulle part, un homme fait mine de reconnaître quelqu’un sur la photo. Il s’avère que ce monsieur est le professeur d’anglais du coin. Sa connaissance de la langue de Shakespeare est meilleure que celle de mon chauffeur mais il pourrait quand même bénéficier de quelques séances de perfectionnement chez 254-6011. L’enseignant prétend pouvoir nous amener chez la famille. Et hop, en moins de deux, nous sommes maintenant trois sur la moto (désolé de vous décevoir mais maintenant que ça me revient, je peux confirmer que je ne portais pas de casque protecteur…). D’ailleurs, au Cambodge, aucune loi ne stipule un nombre maximum de passagers sur un véhicule à deux roues (j’ai déjà croisé un scooter transportant cinq personnes !).



Dix minutes plus tard, nous quittons le chemin principal pour nous faufiler dans une ruelle menant vers le fleuve. Et puis, le professeur nous pointe une demeure. La moto n’a même pas le temps de s’arrêter que déjà des gens sortent de la maison. Les visiteurs se font rares ici. La photo à la main, je débarque et m’approche du groupe réuni au pied de la porte. « Sophea ? » C’est elle, ça y’est ! Je la reconnais.



Rapidement, on me fait entrer à l’intérieur. Presque toute la famille est déjà là : Sophea, son fils Rosa (frère de Zak), sa mère (enfin, je crois), sa sœur et beaucoup d’autres que je n’ai pas pu identifier. Je sens bien que tous sont surpris et excités. Tous les regards sont portés vers moi et vers mon sac que j’ouvre devant eux. J’en sors une lettre que je tends aussitôt à Sophea. Elle la tend au professeur qui la lit à haute voix. Totalement muette, la foule écoute attentivement la lecture du message. Nul besoin d’être très sensible pour ressentir l’émotion qui remplissait la demeure. Une fois la lecture terminée, j’offre le petit album photos. Soigneusement, Sophea regarde les clichés un à un. Tout le monde est épaté. À la vue de certains portraits, ils se parlent et s’échangent des commentaires. Ils apprécient notamment les photos de Zak jouant au soccer. Pendant toute la durée de ma visite, l’album passe de mains en mains, les pages sont continuellement tournées. Il est clair pour moi que personne n’a oublié le petit Zakary-Deka.

Reconnaissants, ils nous offrent un repas (cambodgien, rien d’étonnant). Mon chauffeur et moi sommes les seuls à manger. Est-ce un tradition khmère ou est-ce seulement qu’ils s’étaient déjà nourris plus tôt ? Je ne serais dire. Quoi qu’il en soit, six mois ont passé, des milliers de kilomètres ont été parcourus, pourtant, la scène se répète. Je suis assis à la table de l’autre famille de Zak et je me sens extrêmement privilégié d’y être. Malheureusement, juste avant le repas, le professeur d’anglais nous avait quitté, ses élèves l’appelaient ! Bien dommage, car en se faisant, je perdais le seul interprète digne de ce nom. J’ai bien des questions, mais la communication est ardue. Après plusieurs minutes d’explication, je comprends que l’ancienne maison a été endommagée lors d’une forte pluie. Dans une pièce contiguë, ils me montrent deux métiers à tisser, outils essentiels à leur subsistance.



Tel que planifié depuis longtemps, je souhaitais profiter de ma visite dans ce village afin d’offrir quelques Souvenirs d’enfance. Comme toujours, les enfants sont magnifiques. Nous avons également pris quelques photos afin d’immortaliser ce moment et ainsi offrir de nouveaux portraits de famille à Zak. D’abord, Sophea, le petit Rosa et moi. Malheureusement, Srey Pich, la grande sœur de Zak, était à l’école alors elle ne figure pas sur les portraits.



Le moment était venu de repartir. Quand on voyage, on est habitué aux départs. Cette fois-ci, c’était bien différent. Je pouvais sentir une certaine tristesse. En quittant, je détruisais le pont Montréal-Phnom Penh momentanément créé par ma présence. Pendant un instant, ils ont repris contact avec Zak. J’espère que ce texte permettra à ce dernier de faire le processus inverse. Les nouvelles et les photos que je lui rapporte ne sont-elles pas le plus beau Souvenir d’enfance que je puisse offrir ? En quittant, je pouvais également ressentir une immense gratitude. Les centaines d’akon, les salutations respectueuses, les sourires débordant de reconnaissance, tous ces petits gestes traduisaient un grand bonheur. Existe-t-il meilleur moyen pour dire merci ?


Souvenirs d’enfance

samedi 15 mars 2008

Cambodge - Appels à la mémoire

Phnom Penh

Il fait chaud à Phnom Penh, très chaud même. La température élevée ajoutée aux émissions polluantes des milliers de véhicules, l’atmosphère y est tout simplement suffocante. La circulation automobile semble totalement chaotique et désordonnée. Sans feux de circulation, sans code de la route apparent, sans hésitation, les gros VUS des nouveaux riches, les tuk-tuks et les innombrables scooters se partagent la chaussée dans un ballet des plus étonnant. Pourtant, depuis mon arrivée, je n’ai vu que trois accidents…



En se baladant dans la ville, il n’y a pas que la température et la pollution qui rend l’atmosphère lourde, le sombre passé aussi y contribue pleinement. Il y a tout juste trente ans, l’homme a basculé une fois de plus vers la folie, et c’est à Phnom Penh que tout a débuté. Au nom de l’idéologie communiste, le peuple cambodgien s’est entredéchiré. Pol Pot rêvait de transformer le Kampuchéa démocratique en une coopérative agricole dominée par les paysans. La restructuration qui s’en suivit fut la plus radicale et la plus brutale jamais tentée. Forcé à travailler aux champs, le peuple cambodgien fut réduit à des conditions d’esclavages. Toute opposition, résistance ou désobéissance entraînait une exécution immédiate. Libres-penseurs, intellectuels et dissidents étaient systématiquement éliminés. En un peu moins de quatre ans (1975-1979), deux des huit millions de cambodgiens avaient trouvé la mort aux mains des khmers rouges. Aujourd’hui, tous les cambodgiens possèdent une histoire personnelle marquée de souffrance, de tristesse et de douleur.



Les gens ici veulent oublier, tourner la page, regarder vers un avenir plus lumineux. Qui peut les blâmer ? Le génocide cambodgien est particulier dans la mesure où les martyrs et les bourreaux partagent la même ethnie, la même religion, la même culture, les même repas… Les khmers ont tué leurs propres frères. Tous les khmers ont soufferts, ils sont aujourd’hui tous victimes de ce tragique destin. L’heure est à la réconciliation. Ce n’est pas une tâche facile.

Au musée Tuol Sleng, on travaille dans ce sens. Ici, dans ce qui à jadis été le plus grand centre de détention et de torture du pays, on plonge véritablement au plus profond de l’horreur. La visite est éprouvante. Dans ces anciennes salles de classes transformées en cellules, on croirait voir les visages terrifiés, on croirait entendre les cris désespérés, on croirait sentir les flammes de l’enfer, on croirait goûter à l’inhumanité enfouie au fond de chacun de nous. Des milliers de photographies en noir et blanc forment une mosaïque de portraits, ceux des victimes et ceux de leurs tortionnaires. Ces derniers, de jeunes adolescents recrutés pour leur naïveté, leur malléabilité, leur cruauté… En regardant les visages de ces jeunes enfants, je ne peux m’empêcher de songer à mon projet Souvenirs d’enfance. Victimes ou bourreaux, c’est une génération complète de gamins dont l’enfance a été volée.



Les portraits des jeunes khmers rouges sont tapissés de graffitis haineux. Ces photos témoignent de l’épineuse problématique de la réconciliation entre anciens khmers rouges et les familles des victimes. Des graffitis en langue khmer, je peux comprendre le geste, il n’est pas toujours facile de pardonner l’impardonnable. Les appellations « enculé » et « sale pute » écrites en français par des visiteurs de passage, là je ne comprends pas. J’aimerais bien voir comment ces braves occidentaux auraient réagis dans pareille situation. Ont-ils déjà eu peur de la faim ? Ont-ils déjà senti un fusil braqué sur eux ? Auraient-ils eu le courage de mourir pour leurs idéaux ? Je me demande combien d’entre nous auraient été Khmers rouges ? C’est triste et effrayant, mais l’homme s’accommode à la torture lorsqu’il est du bon coté de l’horreur. Depuis le début des temps, Mars et Arès se font la guerre en partant d’un principe très simple : « C’est moi ou c’est lui ! ». Ces jeunes enrôlés, avaient-ils vraiment un autre choix ? La krama à carreaux rouge et blanc ou la mort… J’aimerais croire que devant un tel choix, l’homme préfère la mort, mais l’histoire m’a prouvé le contraire.

Pourquoi toujours le génocide ? On le sent, les cambodgiens en ont assez. Pourquoi ne pas parler de la culture, des arts, de la cuisine, de développement… de choses plus positives. Le temps viendra. Tout comme Kigali, Al Anfal, Srebrenica et Changil Tobaya , Phnom Penh porte toujours de profonds stigmates. L’historien et l’homme que je suis ne peut faire la sourde oreille devant deux millions d’appels à l’aide, deux millions d’appels à la mémoire.

mardi 11 mars 2008

Le Laos… Bof !

Don Kon

Connaissez-vous le Laos ? Un tout petit pays de l’Asie du sud-est qui n’a aucun accès à la mer et qui comme son grand voisin, a terriblement souffert lors de la guerre du Vietnam. Sans lui déclarer la guerre, violant ainsi les conventions internationales, les Américains ont intensément arrosé de bombes cette région du monde. Le Laos détient d’ailleurs le triste record du pays le plus bombardé de l’histoire. Les G.I.s ne l’ont jamais reconnu pourtant, les engins explosifs non désamorcés « Made in USA » tuent encore plusieurs dizaines de laotiens chaque année, surtout des enfants. Bien des années plus tard, de vieux fantômes hantent toujours le pays et font d’innocentes victimes.


Le Laos… Bof ! Difficile pour moi d’en faire le juste bilan. J’hésite énormément avant de vanter ses splendides paysages de montagnes, sa cuisine savoureuse, sa délicieuse bière, la tranquillité de ses villes et villages, et surtout, surtout le sourire des ses habitants. Après tout, le Laos est un secret bien gardé et il ne faudrait surtout pas que ça change. On entrevoit déjà des transformations, le pays se développe, se modernise pour le meilleur et pour le pire… Voici mon dilemme. Si je vous dis à quel point le Laos m’a enchanté, vous irez en grand nombre et le pays sera bien différent lors de mon prochain passage. Donc voilà, je conclurai le plus simplement possible en vous confiant que je mentirais en vous disant que je ne crois pas que le Laos n’est pas aussi inintéressant que certaines personnes mal intentionnées peuvent laisser sous-entendre... Suis-je clair ??? Songez-y bien avant de vous y rendre, après tout, il n’y a même pas de plages !

Laos - Photos - Don Kon

Don Kon

samedi 8 mars 2008

Laos – Souvenirs d’enfance – Sur la route des Boloven

Pakse


Marie, Greg et moi sommes partis à l’aventure, deux jours à moto dans le plateau des Boloven. Au menu : des chutes d’eau spectaculaires, des petits chemins de terre, des villages isolés et bien évidemment, aventure oblige, des surprises… Tout d’abord, l’impensable survient, un orage nous tombe dessus. Nous nous réfugions dans la première bigote venue afin d’attendre que ça se calme. Après un bon repas et une petite sieste, nous remercions nos hôtes bienveillants et nous reprenons la route. Nous rencontrons sur le chemin un cortège de scooters conduits par des occidentaux. Surprise ! Je les reconnais, ce sont mes amis allemands de Muang Ngoi. Apparemment, nous allons tous passer la nuit à Tat Lo.



Sur le balcon d’un bungalow, on rit, on boit, on fume, on mange des bonbons au goût douteux. Mais attention ! Notre Guest House ne rigole pas avec certains comportements… Honneur à eux, ils décrient et interdisent toutes formes d’exploitation sexuelle dans leur propriété. Quiconque contreviendra à cette règle se verra dans l’obligation de choisir l’une des trois pénalités suivantes : trois millions de kip payable au gouvernement lao (300$); trois mois de prisons; une vache payable au village. L’intention est honorable mais je crois qu’il faudrait revoir un peu les sanctions à la hausse.



Le lendemain, nous repartons sur nos bolides. Cette fois, nous quittons la route asphaltée pour nous enfoncer dans les chemins de terre. Ainsi, nous rejoignons un petit village perdu où bien peu de touristes se rendent. On n’y vient pas pour la beauté des lieux mais plutôt pour le charme des ses habitants. Comme c’est souvent le cas, ce sont les enfants qui démontrent le plus de curiosité et c’est avec eux qu’on développe un premier contact. Notre objectif était clair depuis le départ, nous voulions consacrer un peu de temps aux enfants. Nombreuses sont les possibilités de jeux : des rondes, des farandoles, des jeux de mains … nous les avons toutes essayées. Amuser un enfant par le jeu représente le plus beau présent que l’on peut lui offrir. En retour, on obtient des sourires inoubliables, des rires éclatants, des regards complices. Pendant quelques instants, nous faisons parti du groupe, nous devenons leurs amis. C’est à ce moment que j’ai sorti mon appareil Polaroid. L’idée n’est pas de se faire des copains en donnant des clichés mais plutôt d’offrir un présent à mes nouveaux amis.





mercredi 5 mars 2008

lundi 3 mars 2008

Laos - À la croisée des chemins

Vang Vieng

Vang Vieng jouit d’une nature merveilleuse. Le Mékong et les nombreux promontoires calcaires composent des paysages à couper le souffle. La ville elle, est une horreur. Le développement touristique a tué la ville laotienne qui s’y trouvait. Pour profiter de ce que Vang Vieng a de mieux à offrir, j’ai fait une superbe ballade à vélo. Sur la route, j'ai rencontré Greg et Marie, un couple de français que j’avais croisé rapidement à Muang Ngoi une semaine auparavant. Il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer de villes en villes, les mêmes routards. Nos parcours se ressemblent tous un peu. Le couple voyageait avec Loris, un breton fort sympathique. Nous quatre avons pédalé toute la journée à travers champs, villages et montagnes.



Rapidement, je me suis aperçu que nous partagions la même conception du voyage. Particulièrement Greg et Marie qui réalise leur rêve : parcourir la planète pendant près d’un an. En les observant, je ne peux m’empêcher de souhaiter qu’un jour, je partagerai ma passion du voyage avec la femme que j’aime. Pour le moment, je ferai un petit bout de chemin avec eux. Nos itinéraires respectifs sont très semblables. Ils descendent vers le sud du Laos pour ensuite passer au Cambodge. Dans quelques semaines, ils se dirigeront vers l’Inde, le Népal, le Tibet, la Chine, la Mongolie et retour en Europe par le transsibérien. Ça vous dit quelque chose… À part l’Inde, j’ai le même plan. Nous vivons d’ailleurs la même inquiétude au sujet du Tibet, il faudra sérieusement songer à une alternative. Quoiqu’il en soit, nous allons certainement nous recroiser sur la route. Pour le moment, avançons mes amis, avançons !!!

dimanche 2 mars 2008

Laos - Hanoï ou Katmandou ?

Luang Prabang

Dans la vie, il faut constamment faire des choix. Certaines décisions sont plus difficiles que d’autres. Mon dilemme : Vietnam ou Népal ? Bon, je vous entends d’ici, me disant que je me plains la bouche pleine. J’admets que le voyageur fait parfois face à de beaux problèmes. Afin de faire un choix éclairé, il est utile de peser le pour et le contre. J’ai fait cet exercice, voici les résultats :

Népal

Pour

1- Je trimballe mon Lonely Planet du Népal depuis septembre, ça pourrait
finalement servir.
2- La beauté des nombreux témoignages des voyageurs qui y sont allés.
3- La belle Annapurna me fait des clins d’œil. Le gars est pas fou !
4- Mon expérience de trekking dans l’Himalaya indien m’a ouvert l’appétit.

Contre

1- Le vol pour Katmandou m’oblige à passer par Bangkok à une date fixe. Le
voyageur libre que je suis déteste ce type d’engagement.
2- Le coût du billet d’avion.
3- Le pays se prépare pour des élections, cela pourrait rendre les déplacements
hasardeux.




Vietnam

Pour

1- Pour passer du Cambodge à la Chine, le Vietnam semble être la voie toute
indiquée.
2- La baie d’Halong, Hanoi, Saigon…
3- Les plus optimistes disent que le pays offre encore un peu d’authenticité.
Dans cinq ans, il sera trop tard.
4- Tout se fait par voie terrestre, pas de vol en avion. Par conséquent, moins
dispendieux.
5- et moins d’émissions polluantes.

Contre

1- Les plus pessimistes disent qu’il est déjà trop tard, le Vietnam aurait déjà vendu son âme.
2- La facilité d’y voyager. J’ai besoin de me sentir loin de chez nous.



Comte final

Népal
Pour : 4 Contre : 3

Vietnam
Pour : 5 Contre : 2

Donc voilà, les résultats semblent privilégier le Vietnam. Le budget, la logique et la raison tendent tous vers Hanoi. Le seul problème, c’est que le voyage, et je l’ai prouvé à Noël, n’est pas un acte de raison, c’est une affaire de passion. Il en va de même dans la vie en général, la logique ne mène pas toujours au bonheur. Ainsi, ma decision est prise. Il semblerait que mon bonheur passe par Bangkok...