jeudi 31 juillet 2008

Mon Ithaque à moi

Montréal

Mercredi le 30 juillet, le vol en provenance de Zurich survole le Québec. Par le hublot, j’entrevois le fleuve, je repère les collines montérégiennes, je distingue Varennes, je contemple Montréal, son stade, son centre-ville, son Mont-Royal… Comme c’est beau ! L’appareil atterrit sur la piste de l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau. Qu’il est bon de rentrer à la maison. Mon ami Jean-François est venu me chercher. Il commence à être habitué à mes retours de voyage. C’est pratique avoir un ami qui finit de travailler tôt ! En réalité, c’est surtout commode d’avoir un ami qui a le cœur gros comme un Airbus 380. On prend la direction de Saint-Lambert à bord de son nouveau bolide. Par chance y’a du trafic, on a tant de choses à se raconter. On prend une longue marche avec Toby. On parle, on parle, on n’arrête pas de parler. Il y a vraiment des petits plaisirs de la vie qui m’avaient manqué. Pour le souper, on avait rendez-vous au St-Hubert avec Sébastien, un autre ami au grand cœur (décidemment, je suis bien entouré). Hummm, je salivais déjà à l’idée d’une succulente tarte aux sucres…

J’étais loin de m’en douter, mais j’étais tombé dans un guet-apens. Il y avait bien plus qu’un dessert sucré qui m’attendait au restaurant. Les pancartes de bienvenue, les fleurs, et surtout, surtout la famille et les amis, presque tout mon monde était réuni pour célébrer mon retour. C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai reçu cette belle surprise. Avec mes deux amours sur les genoux et le sourire accroché sous le nez, je regarde autour de moi. Les gens que j’aime qui discutent, qui rient, qui par leur simple présence me disent un très beau : je t’aime. Qu’il est bon de rentrer à la maison !

Afin d’animer le repas, ma sœur avait préparé un petit jeu. Elle a distribué aux invités un quiz dont les questions portaient sur mes nombreuses aventures. « Olivier joue à quel jeu avec les enfants à Rishikesh ? », « Qu’est-ce qu’Olivier achète à l’encan de l’orphelinat ? », « Dans quel pays Olivier a réalisé une mission bien spéciale ? »… À l’écoute de ces questions, une drôle de sensation m’a envahi. J’avais cette impression étrange que toutes ces anecdotes étaient tirées d’un bouquin que nous avions tous lu, moi compris. J’ai alors réalisé ce qui peut sembler évident : ces aventures ne sont pas œuvres de fiction, le personnage dont il est question n’est nul autre que moi. Et bien, qu’est-ce que j’en ai vécu des choses cette année ! Avec un peu de recul, je comprends mieux ce qui m’est arrivé lors des derniers mois. Cette suite d’aventures abracadabrantes qui n’a rien à envier à nos songes les plus fous, tout ça s’est réellement produit, tout ça fait dorénavant parti de moi.

Il est encore un peu trop tôt pour savoir ce qui en restera. J’ai des souvenirs pleins la tête certes, mais ai-je appris quelque chose. Suis-je le même qu’avant ? Il y a des trucs qui ont changé, c’est certain. Je suis davantage conscient du luxe et du confort qui nous entoure. De l’eau chaude dans la douche, de l’eau froide et potable dans le robinet, un siège de toilette pour poser ses fesses, de l’électricité à toute heure du jour, le bon état de nos routes (croyez-moi!), l’abondance de produits dans nos supermarchés, liste est longue… Tout ça, ça ne fait pas de moi une personne différente. J’aimerais pouvoir dire que je rapporte un regard neuf sur moi-même, sur les autres, sur le temps et sur la vie. Toutes ces réalités qui prennent un nouveau visage quand on voyage. Notre rapport à nous même change. Quand on part loin de chez soi, on laisse derrière ce que les autres veulent que l’on soit. On n’apporte pas avec soi les étiquettes que l’on nous a collées ou le moule dans lequel on nous a poussé. On enfin libre de devenir celui que l’on veut être, on devient véritablement soi-même. Le rapport aux autres n’est également plus le même. Comme on les croise pour la première fois, on ignore tout des gens que l’on rencontre. Ainsi, on s’attarde tout simplement à cette caractéristique qui nous unit tous : notre humanité. Voila pourquoi les rencontres en voyage nous semblent tellement plus authentiques.

Je l’ai déjà mentionné, le voyageur est libre de toute contrainte, de toute obligation, il se sent libre, il se sent vivant. Comment puis-je rapporter chez moi cet état de grâce ? Est-ce possible ici aussi ? Je me sentais libre car j’avais le choix. Le choix d’aller au nord ou bien au sud, le choix de rester ou de partir. Quand j’y pense, ce voyage est en fait la preuve que je suis libre de faire ce que je veux, de réaliser mes rêves les plus fous. Dans le fond, il est plus facile de l’oublier mais je suis aussi libre ici qu’ailleurs. Si je suis revenu à la maison c’est parce que je le veux bien. Si je ne repars pas demain pour d’autres destinations exotiques, c’est totalement par choix. Je sais trop bien qu’il y a un moment pour rester, y’a un moment pour partir, et qu’après tout, il est toujours temps de rêver…

Faute d’approvisionnement chez nos amis de St-Hubert, je n’ai finalement pas pu savourer ma tarte aux sucres. Mais comme vous vous en doutez, je n’étais pas revenu à la maison pour ça. Tel Ulysse, je suis parti et malgré les épreuves et les tentations, j’ai su revenir. Je suis rentré par amour de ma patrie. Mon Ithaque à moi c’est Montréal, mais c’est d’abord ma famille et mes amis. Je sais trop bien qu’un jour, je repartirai. J’y rêve déjà ! Et s’il y a une chose que cette merveilleuse odyssée m’a apprise, c’est que l’on n’a pas besoin de dormir pour rêver…


Le résumé d'un grand voyage en six petites minutes:

http://www.youtube.com/watch?v=GJ_--oi5xr4


Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage
Heureux qui comme Ulysse a vu cent paysages
Et puis a retrouvé, après maintes traversées
Le pays des vertes années

Par un petit matin d’été, quand le soleil vous chante au cœur
Quelle est belle la liberté, la liberté
Brassens

mercredi 30 juillet 2008

Russie - Erreur de ponctuation

Moscou

Moscou, les lumières brillent. Il est quatre heures du matin, c’est le début de la fin (ou la fin du début…). J’ai cette impression étrange de mettre un point final au bout d’une longue et belle phrase. Le taxi m’amène à vive allure vers l’aéroport. Dans une douzaine d’heures, je serai à Montréal. Suis-je prêt ? Voilà la grande question. Pendant ces dix mois, je ne m’inquiétais pas trop pour mon retour. Tout allait bien se passer me disais-je sans trop réaliser ce que cela signifiait vraiment. Le retour est une aventure en soi. Tous les voyageurs le disent, avoir un projet aide à faire la transition. Tout le monde a beau dire, le vrai test, c’est de le vivre soi-même. Je le savais depuis le début, partir implique nécessairement revenir. Ce n’est pas mal en soi, j’ai très hâte de revoir parents et amis. Toutefois, revenir à la maison, c’est malheureusement quitter l’état de voyageur. Ce statut magnifique de l’Homme libre, du rêveur éveillé, d’un Olivier vivant et heureux. Revenir, c’est décider de mettre un terme à ce périple, à cette découverte perpétuelle. Chaque jour, des paysages grandioses, des cultures à découvrir, des gens à rencontrer… Et si ce n’était qu’une virgule…

samedi 26 juillet 2008

Russie - La dernière étape...

Moscou

Le train s’immobilise pour la dernière fois, nous sommes arrivés à Moscou. Nous sommes chaleureusement accueillis par Clément et Mathilde, les amis de Greg et Marie qui ont bien accepté de nous loger pendant toute la durée de notre séjour dans la capitale. Je suis un peu soulagé car j’ai entendu dire que le coût de la vie est terriblement cher à Moscou. Après notre première soirée, j’ai compris exactement ce que cette mise en garde voulait dire…



Nos hôtes voulaient nous faire vivre une véritable institution russe, le bania. Nous avons donc pris la direction de ces bains qui alternent sauna et bassin d’eau froide. Mais avant de livrer nos corps à de violents chocs thermaux, nous avons patienté en prenant un apéro dans un petit bistro aux allures de sous-sol d’école primaire. Au menu, une bière, des petites crêpes au saumon et aux œufs de poissons ainsi qu’une facture plus que salée : 50$ par personne. Malheureusement, nous n’avons pas pu joindre la population locale pour les bains. J’aurai bien aimé me mêler à ces hommes d’affaires qui complètement nus et suant à grosses gouttes, négocient des contrats importants en se fouettant le corps avec des branches de pin. L’expérience valait tout de même un second 50$. J’ai rarement soumis mon corps à un tel écart de chaleur. Après avoir perdu deux kilos d’eau et expérimenté quelques spectaculaires chûtes de pression, la sensation de repos était impressionnante. Nous étions tellement relaxes que certains d’entre nous avaient presque la tête dans leur assiette lors de notre souper dans un restaurant ouzbèque. Cheching ! un nouveau billet de 50$ disparaît. Il est temps que la soirée à Moscou s’achève, j’ai dépensé 150$ en moins de 5 heures. Somme avec laquelle je pourrais vivre confortablement pendant une semaine en Asie du sud-est…



Heureusement pour mon budget, nous avons passé la journée du lendemain à la plage. Les dimanches d’été, sur les bords de la rivière Moskva, la population citadine tente de profiter au maximum de la courte saison estivale russe. Petits et gros, jeunes et vieux, tout le monde s’exhibe sans pudeur. Peut-être que les russes tentent simplement d’optimiser les rares heures de bronzage en défilant presque nus. Peut-être que le prix des tissus est exorbitant car les maillots sont minuscules… Les hommes arborent fièrement les speedos moulants conçus en forme de « V » qui donnent l’impression que quelque chose pend entre les deux genoux… Avec leur coupe Longueuilgrad, c’est à se demander s’ils sont en avance ou en retard sur la mode actuelle. Du côté féminin, j’avoue avoir porté un peu moins d’attention à leur maillot. À ma défense, ces derniers sont souvent très bien cachés au fond d’une craque de fesses. Il faut mentionner également que les femmes russes sont extrêmement jolies, on se croirait dans un tournoi du circuit de tennis féminin version bikini…

Après un dimanche nature, nous étions prêts pour un lundi axé sur la culture. Nous avons fait une visite complète du Kremlin, son musée, ses églises orthodoxes et son palais présidentiel. Nous suivons les traces de grands personnages historiques : Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Catherine la Grande, Lénine, Staline, Poutine et Garou… Décidément, ça ne va pas en s’améliorant. Pour le meilleur et pour le pire, la Russie s’est ouverte sur le monde. Nous en avons donc profité pour aller manger un Big Mac à deux pas de la Place Rouge.



Pour notre dernier jour à Moscou, nous avons décidé d’aller rendre une visite au père de la révolution, Vladimir Ilitch Oulianov, mieux connu sous le nom de Lénine. Le corps de celui-ci est conservé depuis 1924 dans un mausolée de la Place Rouge. En temps normal, il faut attendre des heures pour y pénétrer, même mort l’homme attire toujours les foules. Nous avons été très chanceux car ce jour là, la grande place était sécurisée pour accueillir une cérémonie soulignant le départ des athlètes russes vers Beijing. Malgré les soldats et les barrières nous avons réussi à nos faufiler et à prendre la direction du tombeau. Après avoir laissé derrière sacs et appareils photos, nous passions au détecteur de métal. Décidément, on ne rigole pas avec Lénine !

Nous sommes entrés seuls dans le mausolée. Il faisait si noir qu’on voyait à peine les marches qui nous conduisent vers la salle principale. Heureusement, de sympathiques soldats au garde à vous nous indiquaient la voie à suivre. Seuls leur pâle visage étaient éclairés. Ils avaient l’air morts depuis plus longtemps que Lénine ! Pourtant, ils étaient bel et bien vivants. Assez vivants pour réprimander sévèrement notre écart de conduite, nous avions les mains dans les poches ! Est-ce que je peux voir Lénine avant d’aller au Goulag ? S’il-vous-plaît... Heureusement pour nous, le régime n’est plus ce qu’il était. Nous sommes finalement arrivés devant le petit homme embaumé. Il avait l’air plutôt bien conservé sous sa cage de verre. Nous avons rapidement fait le tour du lit mortuaire afin de ne pas offusquer de nouveau le garde. L’atmosphère était lourde et déprimante. L’expérience n’aura duré que deux petites minutes, imaginez soixante-dix ans…

vendredi 25 juillet 2008

Russie - La beauté réside dans l'inattendu

À bord du transsibérien

Depuis le tout début du projet, il y a de cela un an et demi, je rêvais de traverser la Russie à bord du transsibérien. Je ne pouvais imaginer un meilleur moyen pour revenir vers la maison. Assis au bord de la fenêtre, je me voyais contempler les paysages qui défilent. Ces quelques jours à bord du train, je les percevais comme une pause, un moment de réflexion avant le grand retour, une occasion de méditer sur l’incroyable année qui s’achève. Comme toutes les autres destinations de mon voyage, je m’étais fait des idées. Comme toutes les autres destinations, je m’étais trompé. Il n’y a pas de doute, les imprévus font la beauté du voyage.



Toujours accompagné de Greg et Marie, mes fidèles compagnons de voyage depuis Beijing, j’entre dans la cabine. C’est dans ce tout petit espace que nous serons enfermés pendant quatre jours et demi. Nous faisons connaissance avec nos voisins de la cabine d’à côté : Anouck, Amélie et Bertrand. C’est avec eux que nous jouerons aux cartes le jour et que nous ferons la fête la nuit ! Nous rencontrons également notre aimable provonitsa, la dame en charge de notre wagon. Nous nous lançons immédiatement dans une opération séduction. Sans vraiment obtenir de succès, nous enchainons les « spaciba » et les sourires. On nous a dit que le voyage est beaucoup plus agréable quand la provonitsa vous a dans ses bonnes grâces…



Quelque peu excités, nous quittons la gare d’Oulanbataar, l’aventure du transsib démarre. Il est environ 14h. Il fait chaud dehors, très chaud. Chanceux comme nous sommes, notre wagon est le seul dont l’air climatisé ne fonctionne pas. Pour ajouter au confort, il n’y a que trois fenêtres qui s’ouvrent dans tout le wagon. Il fait chaud dans le train, trop chaud ! Une bonne partie de la journée s’est donc passée tout près d’une de ces ouvertures, sous une petite brise fraîche. En quête du même réconfort, Anouck est venu me rejoindre et nous avons longuement discuté. Regardant les paysages défiler, nous avons parlé de tout et de rien, surtout de tout. Le voyage, l’amour, la mort… Rares sont les échanges aussi intenses, une autre très belle rencontre.

En fin de soirée, nous devons regagner nos cabines, nous nous apprêtons à traverser les frontières russes. Nous ne sommes plus uniquement trois dans nos appartements. Une dame mongole d’une quarantaine d’années vient tout juste de monter à bord. Elle traîne avec elle trois immenses sacs de sport. Madame est une athlète ? Non, madame est une contrebandière ! Elle ouvre ses sacs et sort sa marchandise. Des culottes, des sandales de caoutchouc, du thé, des tissus, des serviettes… La quantité est impressionnante. Ce qui est encore plus étonnant, c’est la façon dont elle fait tout disparaître. Elle pose des sandales sur le sol, elle accroche des serviettes derrière nous, nous serons complices sans même le vouloir. Sous notre œil amusé, elle en cache dans la poubelle et dans son soutien-gorge. Elle dissimule même des bobettes sous ses pantalons en les fixant à ses jambes avec du ruban adhésif. Une fois le travail terminé, les trois sacs sont vides et tous les articles ont été dispersés. Tout cela sous les yeux de la provonitsa, seconde complice dans ce crime. Par magie, il ne reste plus rien à déclarer à monsieur le douanier. Ce dernier, sous sa casquette de deux pieds de diamètre, n’y a d’ailleurs vu que du feu ! Soit qu’il est très naïf ou soit qu’il est le troisième complice… Il a fouillé nos sacs sans trop de conviction. Le train est reparti plusieurs heures plus tard, la dame et sa marchandise également. Chanceux comme nous sommes, elle a oublié un paquet de thé. Malheureusement pour nous, c’était du thé mongol (le thé chinois de mauvaise qualité aboutit en Mongolie…).



Pendant ces quatre jours et demi, nous avons traversé la Russie dans presque toute sa longueur. Près de sept mille kilomètres parcourus à travers des forêts infinies de bouleaux et de mélèzes. La Russie a de quoi se chauffer pendant encore plusieurs milliers d’années. Sur notre parcours, on croise des lieux aux noms mythiques : le lac Baïkal, Irkoutsk, Novossibirsk, Omsk, Perm… Les arrêts sont courts, une vingtaine de minutes en moyenne. Juste assez de temps pour aller marcher un peu sur les quais, prendre un peu d’air frais. A Balezino, nous avons profité de l’occasion pour entonner la Marseillaise et le O Canada. Notre public, composé majoritairement de russes complètement saouls, n’a pas vraiment apprécié notre interprétation de l’hymne national russe. Il était temps que le train quitte la gare…



Au bout de mille et une aventures, nous arrivons à destination : Moscou. La capitale n’est pas seulement au bout du transsibérien, elle représente également la fin de mon périple, le dernier arrêt avant mon retour. Suis-je prêt à revenir ? Je ne le sais pas encore. J’en doute parfois. Heureusement, j’ai de très bonnes raisons de revenir : ma famille, mes amis et… une perle retrouvée. Non, non, ce n’est pas une histoire de pêche !!! Un miracle s’est bel et bien produit, la perle a refait surface. Et si cette fois, c’était la bonne ? Il n’y a pas de doute, les surprises font la beauté de la vie.

samedi 19 juillet 2008

Mongolie - Le bonheur, d’une colline à l’autre

Monastère d'Amarbayasgalant

Je suis seul sur la colline. Le soleil se couche lentement sur la Mongolie. Autour de moi, les grands espaces, le calme, le vide. Pour la dernière fois, je fais le plein.

Je suis seul sur la colline. Le soleil se couche lentement sur mon voyage. Dans onze jours, je serai chez moi. Dans onze petits dodos, l’aventure prendra fin.

Je suis seul sur la colline. D’un côté, le campement et ses tentes, de l’autre, le soleil qui descend doucement sur la vallée et sur le monastère d’Amarbayasgalant. Je suis si bien, je ne veux plus redescendre. Il y a une partie qui ne veut pas quitter la Mongolie, qui ne veut pas prendre le chemin du retour.



Je suis seul sur la colline et y’a une partie de moi qui est bien triste. Il est parfois bien difficile de quitter un instant de pur bien-être. Imaginez une année ! Heureusement, je sais que je retrouverai mon bonheur plus bas, en aval. Redescendre, c’est se faire confiance et faire confiance à la vie.

Si je suis ici, seul sur cette colline, c’est bien parce qu’un jour, j’en ai redescendu d’autres. J’ai déjà abandonné un certain confort, un certain bonheur, sans même savoir ou j’allais. Ma famille, mes amis, le musée, on quitte parfois ceux qu’on aime. Car après tout, redescendre ne signifie pas nécessairement reculer. Au contraire, souvent, c’est avancer. Il y aura toujours d’autres défis, d’autres surprises, d’autres collines.

mercredi 16 juillet 2008

Mongolie - Photos - Naadam et Khovsgol

Lac Khovsgol

La fête du Naadam





Le lac khovsgol

vendredi 11 juillet 2008

Mongolie - Route de Mongols

Sur la route

Le plus grand empire de tous les temps, de la Sibérie à l’Inde et du Vietnam à la Méditerranée. L’empire fut aussi vaste qu’éphémère. Qui n’a jamais entendu parlé de Chinggis Khaan et de sa terrifiante armée de cavaliers mongols. L’histoire récente du pays est moins glorieuse. Sans accès à la mer, la Mongolie est coincée entre les deux géants que l’URSS et la Chine. On sent très fortement l’influence soviétique : l’architecture, l’écriture cyrillique, les voitures, la vodka, le jeu d’échecs…

Pour retrouver leur identité, surtout pour se démarquer des voisins, le culte du grand Gengis a refait surface il y a une trentaine d’années. On peut admirer son image un peu partout : à la télé, sur les bouteilles de bière ou de vodka, sur des affiches, sur une colline près d’Ulanbaatar… Même notre mini fourgonnette à été baptisé en son honneur : Chinggis Car. Aussi robuste et indestructible que son légendaire homonyme, elle nous a rendu de fiers services. Les deux derniers jours ont été fort éprouvants pour notre belle Chinggis, et pour nous par la même occasion. En Mongolie, on sait quand on part, on ne sait jamais quand on arrive, ni dans quel état...



Gamba, notre chauffeur adoré, a une vingtaine d’années d’expérience sur les routes mongoles. Je soupçonne qu’il a une boussole ou un GPS implantée dans le crâne afin de s’orienter. Il n’existe aucun panneau pouvant nos renseigner sur les directions et encore moins les distances. Peu surprenant que parfois, l’on se perd. Heureusement, notre Gamba est un excellent chauffeur, il s’égare rarement. Hier matin, par contre, il s’est trompé de vallée, nous avons roulé dans une mauvaise direction pendant une bonne heure. En revenant sur nos pas, un violent orage nous a forcé de prendre le lunch à l’abri dans notre confortable Chinggis Car. En essayant de retrouver notre chemin, nous sommes sortis de la route pour nous diriger dans une vallée, puis tout droit sur une colline. J’avais l’impression que l’on tentait de grimper les pentes d’une station de ski. Après de gros efforts de la part de Chinggis Car, nous sommes enfin arrivés au sommet. Toute cette énergie pour réaliser qu’on ne pouvait pas aller plus loin, une forêt dense nous attendait sur l’autre versant. Il fallait, encore une fois, faire demi-tour. On tente un autre chemin. Nous montons régulièrement à travers une forêt. Parviendrons-nous à traverser de l’autre côté ?



La pluie a rendu la route boueuse. Nous nous enfonçons de plus en plus. La fourgonnette vacille, elle glisse, elle s’immobilise… Nous sommes embourbés. Nous sortons du véhicule pour évaluer la situation. Mon éternel optimisme ne s’en fait pas trop. Nous usons de nos muscles et de notre matière grise. Le plan est simple, il faut détourner la rigole qui inonde les roues avant et qui rend par le fait même notre départ impossible. Heureusement, nous avons une pelle à notre disposition. Nous travaillons avec beaucoup d’efficacité, si bien que nous réussissons à nous déprendre après seulement trente minutes de boulot. Notre chauffeur a compris la leçon, nous redescendons de plus belle. Puisqu’il le faut, nous contournerons les collines.

Nous roulons et roulons encore… Il a plu aussi au fond de la vallée. Les routes sont boueuses. Inquiet, notre chauffeur analyse consciencieusement la situation. Il hésite souvent avant de s’engager dans les trous d’eau. L’ambiance devient un peu tendue dans le car, nous gardons le silence. Nous avançons péniblement et puis… merde ! La voiture s’est embourbée une fois de plus. Cette fois-ci, c’est du sérieux. Les quatre roues s’enfoncent dans la tourbe et la boue. Mon éternel optimisme part en courant ! Pire encore, un immense orage file droit vers nous. Il déjà froid, ça promet !



Nous nous mettons à la tâche. On sort le cric, on va chercher des troncs pour agir comme levier, on creuse autour des roues… Rapidement, notre propreté devient secondaire, on ne songe plus qu’à s’en sortir et vite. Les premiers essais s’avèrent de lamentables échecs. L’orage éclate. Le qualificatif de lamentable s’applique maintenant à nous tous. Le soleil est déjà couché, il fait froid, très froid. Nous sommes coincés au milieu de nulle part, s’il nous faut camper ici, la nuit risque d’être longue. Seule bonne nouvelle, y’a pas un moustique assez fou pour venir nous écœurer. Notre seul espoir réside dans l’aide extérieure. Pendant que nous travaillons sous le véhicule, Bogi part à la recherche d’une ger providentielle. J’y crois plus ou moins car qu’est ce qu’un nomade mongol peut bien faire pour nous aider avec son cheval ou sa moto russe ? Croyez-moi, je ne sais pas lequel, mais il y a un dieu qui veille sur les steppes mongoles. Bogi revient avec de l’aide, un immense camion. Le type de véhicule que nous n’avions pas vu depuis une semaine. Nous sommes sauvés.

Le chauffeur bienheureux descend son mastodonte dans la boue. Il attache un câble à Chinggis. Démarre en trombe. Le fil se tend en une milliseconde et lâche sous la pression… Bravo !!! Félicitations monsieur testostérone dans le tapis ! Encore chanceux que ce ne soit pas la carlingue de Chinggis Car qui n’ai pas arraché. Heureusement, il possède un second câble. Cette fois, il a compris la leçon. Il nous tire doucement pour nous délivrer. Nous sommes libres. Trempés, frigorifiés, affamés, épuisés mais libres. Notre sauveur nous indique le chemin pour une ger où nous pourrons peut-être passer la nuit. Sans attendre, nous repartons.

Nous débarquons donc à la dite habitation. Il est au moins 10h30. À l’intérieur, la famille dort déjà profondément. C’est alors que nous assistons à un spectacle magique. La mythique hospitalité mongole se concrétise sous nos yeux. Les membres de la famille se réveillent et constatent avec étonnement qu’un groupe d’étrangers occupent leur ger. Ils ne doivent pas recevoir ce type de visite très souvent, la tête du benjamin, encore tout endormi, en fait foi. Quelques instants plus tard, le feu crépite à nouveau dans le poêle et nous recevons le thé de bienvenue ainsi que l’incontournable morceau de yogourt concentré à la puissance mille… Après le repas et quelques tentatives rigolotes de discussions, nous installons nos lits sur le sol. La journée a été dure, nous nous endormons rapidement au milieu de la ger. Chinggis Khaan a de quoi être fier. Son peuple n’est certes plus celui qui a longtemps fait trembler l’Occident tout entier. Les temps ont changé, les Mongols sont aujourd’hui un véritable modèle de fraternité et d’hospitalité. Que ses deux voisins le retiennent, ce n’est pas que la puissance de son armée qui fait la gloire et la grandeur d’un peuple.


lundi 7 juillet 2008

Mongolie - Le fin fond du bout du monde

Naiman Nuur

Ça fait dix jours que nous parcourons la campagne mongole. Nous traversons des paysages aussi spectaculaires que variés. Je l’ignorais, la Mongolie a bien plus à offrir que des steppes verdoyantes, c’est également d’immenses canyons, des badlands, des formations volcaniques, des collines et des déserts arides. À tous les jours, on change de décor. Une seule constante : l’immensité. Le terrain est généralement plat, l’atmosphère est toujours parfaitement claire, on y voit à des milles à la ronde. Le ciel nous parait immense. La montagne à l’horizon semble toute proche, on y met pourtant quatre heures en voiture pour y parvenir. Ici et là, les gers deviennent de petits points blancs qui se démarquent à des kilomètres. La Mongolie est un immense pays mais il est faiblement peuplé. 2,6 millions d’habitants dont la moitié résident dans la capitale. C’est le pays le plus faiblement peuplé de la planète avec un maigre 1,8 individu par kilomètre carré (À titre comparatif, le Bangladesh affiche un taux de 1002 personnes par km2, le Canada avec 3,3 personnes par km2 arrive aussi en bas de la liste). Dans certaines régions, on peut rouler pendant des heures sans rencontrer âmes qui vivent. Tout à coup, un petit point blanc apparaît à l’horizon. Ça tombe bien, dans deux on y sera et il sera l’heure de manger ! Nous nous approchons de la ger, nous entendons déjà les chiens qui aboient pour nous faire peur. Un troupeau de chèvres, de moutons, de chevaux, de yaks ou de chameaux n’est jamais bien loin. Comme à l’habitude, un cheval est attaché près de l’habitation. Il est déjà scellé, prêt à décoller en cas de besoin.





En campagne, les Mongols ont rarement une voiture. Ils possèdent souvent une moto qu’ils enfourchent vêtu de leur deel, le costume traditionnel mongol. Pour les longues distances, la moto a remplacé le cheval. Toutefois, dans plusieurs régions, le fidèle destrier demeure roi. Les routes… Le concept de route en Mongolie diffère du nôtre. La majorité du réseau n’est pas bitumé. Pas de gravelle, même pas de terre battue. On suit les traces des dizaines de véhicules qui nous ont précédé. On roule souvent en plein milieu de nulle part, ouvrant ainsi la nouvelle route. Les chemins sont tellement mauvais ou accidentés que les distances sont plus vite parcourues au galop. Le peuple mongol a toujours été nomade. Les gers ont des coupoles satellites pour capter la télé, des panneaux solaires pour recharger les batteries (source d’énergie principale). Toutefois, les gers n’ont toujours pas de toilettes et sont chauffées à la bouse. Les familles vivent en autarcie, se nourrissant du lait de la viande de leur troupeau. La ger se déplace en moyenne quatre fois l’an à la recherche de pâturage. Il y a très peu de place pour les légumes (encore moins les fruits) dans le régime alimentaire mongol. La culture y est presque inexistante.



Les hivers sont rigoureux car même si il ne neige pas beaucoup, ils s’étendent sur neuf mois de l’année. La vie est rude, le voisin est loin. L’hospitalité est chose naturelle. Ce n’est même pas une question de politesse, c’est une question de survie. Nous sommes toujours bien accueillis par les familles. Ils se montrent curieux à notre endroit. Les touristes se font rares par ici, tout comme les visiteurs de tout origine confondue. Quelques minutes après son arrivée, le visiteur est déjà assis dans la ger, un bol de thé au lait et un morceau de yaourt concentré dans les mains (un yaourt contenant assez de bactéries pour raviver la flore intestinale d’un brontosaure). On ne refuse rien, on trempe nos lèvres, on croque un petit morceau, on s’en garde pour plus tard… Les chiens adorent le yaourt, ils salivent déjà à l’arrivée des touristes.

À trente mètres autour de la ger, ça sent le mouton. Plus on approche de la cuisinière située au centre de l’habitation, plus l’odeur devient puissante. À l’intérieur, tous les objets en sont empreints. Heureusement, quelques minutes suffisent pour nous y habituer. Après quelques jours dans la steppe mongole, nous dégageons nous même un fort parfum.

Les Mongols sont d’une grande gentillesse. Difficile de croire que ce sont les descendants des redoutables cavaliers d’Attila et de Gengis Khan. Nos leçons de langue mongole nous aident à établir le contact. Quel est ton nom ? Quel âge as-tu ? Combien de chèvres as-tu ? Les échanges sont sommaires mais ils apprécient l’effort. Avec les enfants, c’est toujours un peu plus facile. Ils sont curieux, ils adorent jouer avec nous. J’ai parfois l’impression que, besogne oblige, les adultes ont peu de temps à consacrer aux tout-petits. Ces derniers aident leurs parents aux différents travaux : traite des animaux, cuisine, s’occuper du plus jeune, couper le bois (ou ramasser les bouses) pour le feu, aller chercher l’eau à la rivière…



Les premiers jours nous ont fait découvrir le sud du pays. Nous traversons maintenant à pieds les montagnes du centre. Ce trek de quatre jours nous en a fait voir de toutes les couleurs : tempête de grêle, zones marécageuses, colonies de mouches. Ce n’est pas toujours facile mais mon voyage en Asie ne pouvait mieux se terminer. Aujourd’hui, j’ai joué au berger avec trois gamins. Ma course derrière un troupeau de chèvres dans la steppe sera un souvenir impérissable. Ce soir, je m’endors seul dans ma tente avec comme berceuse les hurlements des loups. La Mongolie est sauvage, elle est authentique. Je l’adore !

mercredi 2 juillet 2008

Mongolie - Plus petit ou plus grand qu’Éole

Khongoryn Els

Le désert de Gobi, une immense barrière de sable. Un véritable corridor de gigantesques dunes. Hier, après une ballade à dos de chameaux (les vrais à deux bosses), nous avons grimpé au sommet. Nous étions en plein après-midi, sous le soleil brûlant, la montée n’a pas été de tout repos. La vue y était tout simplement superbe. Nous avons donc décidé de se réveiller très tôt ce matin pour profiter d’un levé de soleil sur les dunes.



Quatre heure, le réveille sonne. Sous la lumière de nos frontales, nous avançons vers la montagne de sable. Le vent est déjà levé lui, il souffle très fort sur la plaine. On risque de bouffer du sable en haut ! Nous marchons une bonne heure avant d’arriver au pied de la pente. Une lueur apparaît doucement à l’horizon. L’ascension est pénible. Plus nous montons, plus nous devons nous couvrir. Le vent soulève les grains de sable qui se mettent à virevolter dans tous les sens. Sous nos pieds, le sable est si fin que le sol se défile à chaque foulée. Pas à pas, nous avons l’impression de stagner. Chaque centimètre est une victoire. Je m’épuise rapidement. J’ai terriblement chaud. Je dois reprendre mon souffle. Mon corps s’écroule, je m’agenouille sur la crête. Je rêve d’une bonne bouffée d’air frais. Autour de moi, il n’y a que du sable. Il semble prendre plaisir à fouetter le moindre bout de peau qui dépasse.



Je me sens petit, bousculé, épuisé, abattu. Le vent est décidemment plus fort. Petit grain de sable, tu ne me feras pas plier. Je te tiendrai tête. Je me relève d’un coup. Je repars de plus bel. Le manège se répète deux ou trois fois. Finalement, je m’affaisse au sommet. Je suis vainqueur mais vidé. Soudain, je me relève. Je ne crains pas ces milliards grains de sable. Beaucoup ont trouvé l’improbable chemin jusque dans mes culottes, je leur ris au nez car ils n’ont pas su m’arrêter. Je me sens si fort. Debout, les bras en croix, je défie le vent, je joue avec lui, je nargue sa puissance.

Je reste là, sous les rafales. Impossible de retirer le sable enfouis dans mes yeux. Je laisse une toute petite ouverture afin d’assister au levé du jour. La force du vent est déroutante. Je pourrais sans doute redescendre un peu pour profiter d’un peu de calme, mais je ne bouge pas. Je reste figé. J’ai alors compris que nous nous étions trompés. La star du jour, ce n’est pas le soleil. Ce beau matin de juillet, Éole a volé la vedette à Hélios. La beauté ne réside pas uniquement que dans la lumière. Sous l’effet du vent, les dunes chantent, elles dansent, le sable tourbillonne, le sable s’envole de tous les côtés. En quelques minutes seulement, mes empreintes disparaissent. Avec humilité, j’aperçois le vent s’allier au temps pour effacer la moindre de mes traces.


mardi 1 juillet 2008

Livre d'or

Merci pour tous ces mots d'encouragements, je les apporte avec moi à travers mon rêve.