samedi 1 décembre 2007

Inde - Partager un repas, quel bonheur !

Dans un train entre Ahmedabad et Jaipur

J’aime l’Inde ! Rarement depuis mon arrivée me suis-je senti aussi près de ce pays. Je suis inconfortablement assis dans mon wagon de train. Destination : Jaipur. Tout autour, fils et filles de Brahma discutent, lisent le journal, jouent à des jeux sur leur cellulaire, ils vivent. Pendant que j’écris ces mots, un couple âgé d’une soixantaine d’années se prépare pour souper. Après avoir déposé un thali et quelques chapatis sur une petite assiette en carton, elle pèle un oignon. Les deux assis en indien, sur la même banquette, ils partagent en silence le repas. Du bout des doigts de leur main droite, règle d’hygiène oblige, ils font de petites boulettes qu’ils portent à leur bouche. La femme sort une bouteille d’eau minérale contentant un liquide blanc, probablement du lait. Elle en verse dans deux verres cartonnés. N’ayant rien prévu pour le voyage, l’odeur du repas réveille mon estomac. Celui-ci s’agite. On arrive à une gare. Sur le quai, une multitude de vendeurs ambulants clament haut et fort la nature de leur commerce. À travers les barreaux d’une fenêtre, un homme du wagon obtient un repas en échange de quelques roupies. Bien enveloppé dans un sac de plastique blanc, on devine une boîte de carton. Il ne manque sur celle-ci que la tête du poulet pour se croire à la maison. L’homme rejoint sa femme sur la couchette du haut. Assis en indien, ils partagent à leur tour le repas, tout aussi silencieusement que le couple plus vieux. Le wagon est bientôt rempli d’un arôme épicé, c’est clairement l’heure de la pitance. Par l’entremise de mes narines, mon estomac envoie un message clair à mon cerveau : « J’ai faim ! ».

Cette nuit, je dormirai sur la couchette du milieu ce qui signifie que je dois attendre que mes compagnons de banquette aient sommeil. J’attends, le calepin sur les genoux, heureux. À quelle heure nous coucherons-nous ? Ça m’ait bien égal. Il y a des moments en voyage où il ne se passe rien, où le temps semble s’arrêter, où le bonheur sort de sa cachette. Je crois que des moments pareils se vivent également à la maison. Ils sont peut-être juste plus rares. L’habitude et la vitesse de notre quotidien les camouflent.

Un homme passe dans l’allée en criant : « Diner, diner ! » Finalement, je me décide. Aidé de mon voisin de banquette devenu interprète, je commande un peu de nourriture. Il en prend un également. À notre tour de partager le repas sur notre banquette. Mon nouvel ami semble excité à cette idée, il ne mange probablement pas souvent avec un étranger. Je m’efforce de manger de la main droite. Tout comme les couples qui l’ont fait précédemment, on mange sans trop parler. Il me demande à peine si la nourriture n’est pas trop épicée. La réponse se trouve déjà dans mon assiette presque vide. Aussitôt le repas terminé, à la manière indienne, il balance nos couverts cartonnés par la fenêtre. Partager un repas est un geste universel d’une grande puissance. L’inconnu devient un ami. Les bonnes bouffes entre bons copains me manquent certainement. Quoi de mieux qu’un bon souper avec ses vieux chums. Se remémorer le passé, profiter du moment présent et bâtir une amitié intemporelle.

D’autres images me viennent en tête. Celles des soupers en famille, les rendez-vous quotidiens de mon enfance. Un moment d’échange, de communion, de partage, parfois de débats. Tous ces repas constituent pour moi un véritable trésor dont je me ferai le devoir de transmettre à mes enfants. Serge assis à mes côtés, à ma gauche. Anne-Marie à ma droite, au bout de la table. Frédéric à l’autre bout. Nicole en diagonale devant moi. Je revois la scène, j’entends presque les discussions, les fous-rire. L’assiette de mon frère est déjà vide. Victime de mes caprices, la mienne est toujours pleine. Peut-être que je parle trop ! Peut-être ai-je hérité de l’appétit de mon voisin de gauche… Pauvre Nicole, cuisiner pour les Caron n’était pas une simple tâche. J’entends les conversations : vie quotidienne, actualités, politique, religion, voyage, éducation et évidemment : la garderie. Sujet incontournable qu’il fallait contenir par des restrictions. Les trois enfants, las d’en entendre parler, juraient de ne jamais y travailler…

Heureusement, la vie nous réserve bien des surprises. Les années passées, la table familiale s’est tranquillement vidée de ses convives. Les rendez-vous quotidiens ont laissé la place à des rencontres occasionnelles. Les opportunités ne manquent pas pour se réunir à nouveau. Avec le temps, la table s’est allongée afin d’accueillir cette famille grandissante. Comme le dit la célèbre maxime : « C’est avec de l’amour que l’on fait de l’amour. ». C’est toujours avec grande joie que je renoue avec ces rendez-vous me mon enfance, pur sentiment de bonheur. Dans quelques jours, la tablée se réunit pour célébrer Noël, fête familiale par excellence à mes yeux. Car après tout, malgré la prolifération des Pères Noël de centres d’achats, la fête demeure magique. Sous l’arbre de Noël, les innombrables cadeaux ont remplacé la crèche. Le petit Jésus en est probablement fort désappointé. Néanmoins, il peut être fier de la quantité d’amour engendrée à l’occasion de son anniversaire. Un amour si puissant qu’il traversera continents et océans. Il le faudra bien car cette année, la table aura un couvert en moins. Si seulement le véritable Père Noël, pas celui des Promenades St-Bruno, s’il pouvait me faire un lift ! Pour la toute première fois, le prénom d’un membre de la famille ne se retrouvera pas sous le sapin.
À tous ceux qui ne croient plus en la magie de Noël, je vous mets au défi. Entre deux cantiques, entre deux plats dans le four, entre deux bouchées de dinde, entre deux cadeaux déballés, prenez le temps d’écouter, de sentir, de goûter. Prenez la peine de regarder autour de vous, les poignées de main, les becs, les accolades, les étreintes… Prenez, mais donnez à votre tour ! Un sourire, un compliment, une oreille attentive. Je doute fort qu’après tout ça, vous n’y croirez toujours pas. À tous ceux qui fêteront Noël en famille. À tous ceux qui partageront repas, présents et amour auprès de leurs parents et amis. Faites le même exercice. Savourez ces moments magiques. Profitez de ces instants précieux.

À vous tous chers lecteurs. À vous tous chers amis, à vous et à votre famille, je vous souhaite un merveilleux temps des Fêtes. Je vous dis : « Joyeux Noël ! »

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Salut olivier,

apparement ta vie en inde se passe plutot bien!
je me suis amuse a lire tes precedents articles et il s'averent que lors de mon sejours (et oui je suis deja revenu...malgre moi...mais c'est pour mieux repartir...) j'ai ressenti les memes choses que toi...tout d'abord en ce qui concerne la mendicite en inde, le traitement des chiens ou encore tous ses enfants pourris par les touristes...en tous cas je n'ai pas abidque...la seule chose que je donnais au petit gamin c'etait des biscuits...il ne me viendrai pas a l'esprit de donner 20 roupies a un gamin alors que son papa trime pour ses 20 roupies dans une journee...ca ne les aidera pas...
j'ai vecu pleins de choses lors de mon sejours et je compte le faire partager tres prochainement...j'ai rencontre beaucoup de quebecois en inde dont une personne qui te connaissait! (elle est assez drole la vie...ton blog est venu dans notre conversation et hop...on s'est trouve une connaissance communes!)
en tous cas profites bien de ton séjour en inde...quand a moi je prepare mon retour!
bonnes fetes!

Anonyme a dit...

Bonjour Olivier,

Merci de partager avec nous ton vécu durant ton périple autour du monde. Quel plaisir de te lire! Quelle belle réflexion sur la Fête de Noël (très émouvant)! Mes meilleures salutations.

Anonyme a dit...

Cher Olivier,
Merci de tous ces beaux moments que tu nous fais partager...le dernier en particulier, m,a beaucoup ému, cà me rappelait à moi aussi mes Noel avec ma grande famille, et tu m,as fait réfléchir, sur le sens de nos rencontres à cette occasion...merci et je vais avoir une pensée pour toi..je te souhaite de très Joyeuses Fêtes à toi aussi, et de continuer à faire un beau voyage comme tu sembles le faire...Thérèse m,a fait promettre de te dire un bonjour spécial de sa part, je l,ai vu la semaine passée, nous avons eus notre souper de Noel, c,était bien, à la Marée, Place Jacques-Cartier..nous avons parlé de toi,,,est-ce que les oreilles t,ont sillés...ah.ah...A bientôt, c,est toujours intéressant de te lire...