jeudi 14 février 2008

Laos - Une faim de loup !

Vieng Phukha

On raconte que le Laos ressemble à la Thaïlande d’il y a trente ans. Plus sauvage, plus intacte, plus authentique. Premier constat en entrant à Vieng Puckha, les habitants sont chaleureux, accueillants, souriants, attachants, les enfants nous envoient la main en criant « Sabadi » (Bonjour). La femme qui travaille à notre Guest House est d’une amabilité sans borne. Elle ne comprend pas l’anglais mais elle comprend tout le reste ! Tout juste descendus de l’autobus, nous lui commandons un repas, du poisson pour les uns, du poulet pour les autres (le « nous » désignant les trois filles de Montréal et moi). Aussitôt fait, elle enfourche sa motocyclette en direction du marché du village.

Dix ou quinze minutes plus tard, elle revient avec un panier d’osier sous le bras. Elle nous explique qu’il n’y a plus de poisson. Soit, ce sera du poulet pour tout le monde ! Soulagée par notre nouveau choix, elle ouvre son panier duquel elle sort une poule ligotée et bien vivante. Nous nous regardons tous d’un air amusé, le repas sera frais ! Ce n’est pas tous les jours que l’on fait connaissance avec sa nourriture. Curieux et fasciné, je n’ai pu m’empêcher de suivre la dame jusqu’à l’arrière de la petite cabane, faisant office de cuisine. Là, simplement, naturellement, j’ai vu la poule mourir frénétiquement, puis lentement, pendue au bout d’une corde. J’étais tout de même soulagé de ne pas avoir commandé du porc… On est décidemment plus en Thaïlande !

Notre rencontre avec le Laos s’est poursuivi en soirée. Nous marchions tranquilles, les trois filles et moi, venant tout juste de s’inscrire pour un trek, lorsque devant nous, en plein village, un immense buffle était couché sur son flanc, les quatre pattes ligotées ensemble et liées à un arbre. Des villageois, petits et grands, étaient là, tout autour. Le funeste sort de l’animal était connu de tous, tous sauf le principal intéressé ! J’imagine que ce n’est qu’une fois le couteau enfoui dans la gorge que la bête réalisa la gravité de la situation. Il était déjà trop tard, impuissante, elle n’eut qu’un seul réflexe, celui de beugler lourdement sa peur et sa douleur. Heureusement pour nous, mais surtout pour elle, l’agonie de la bête s’est fait plus courte qu’elle n’a semblé. La mort et la douleur modifient notre rapport au temps. Je ne sais pas si pendant ce court instant, le fil de sa vie lui a défilé devant les yeux mais je peux parier que ce moment lui a paru une éternité. A-t-il vu le tunnel lumineux ? A-t-il rencontré Saint-Pierre version bovine ? Quels péchés peut-il bien avoir commis pour se mériter l’enfer ?

Je m’aperçois que la douleur et la mort créent en nous un malaise. Pour soulager cet inconfort, il existe plusieurs solutions : l’humour (l’option utilisée par le narrateur), la fuite (l’option utilisée par le personnage). Devant tout ce sang versé, je m’éloignais, riche d’une nouvelle expérience culturelle, d’une nouvelle source de réflexion, d’une nouvelle anecdote pour mon blog ! Bienvenue au Laos !

Comme le dit le vieux dicton lao : « jamais deux sans trois! ». Un autre choc nous attendait lors du trekking du lendemain. Nous marchions depuis déjà toute la matinée (le nous étant le même que dans l’histoire précédente). Affamés, nous arrivions justement au village où nous devions nous arrêter pour une pause repas. Dernier obstacle à franchir, une rivière. Trekkeurs aguerris que nous sommes devenus, l’on retire nos chaussures et chaussettes pour traverser pieds nus le cours d’eau. De l’autre côté, un groupe d’hommes pouvaient apprécier le gracieux spectacle du falang tentant de tenir son équilibre avec ses chaussures dans la main droite et essayant sans trop de succès de retenir ses pantalons préalablement roulés au dessus de ses genoux. Cette scène ridicule avait certainement de quoi les amuser tous.

Après le « Sabadi » d’usage, je me penchais pour remettre mes bottines. C’est alors que j’ai vu sur le sol de grosses tâches de sang, un sang d’une couleur si vive qu’il ne pouvait qu’être tout frais. Peu étonné, probablement habitué aux méthodes culinaires laos, je remontai du regard la piste sanglante. C’est alors que je compris que ces hommes ne constituaient pas un comité d’accueil mais s’affairaient autour d’un barbecue. Ça tombe bien, j’avais justement une faim de loup ! « Qui a-t-il au menu ? » demandais-je à mon guide. Après avoir interrogé le cuisinier, il me répondit « duck ». Hummm, ça l’air délicieux. En m’approchant doucement, je me rappelai de deux choses importantes. La première : même au Laos, les canards n’ont pas quatre pattes et d’aussi grosses canines… La seconde : les laos peuvent parfois intervertir les sons les sons « k » et « g ». Mais où s’est enfui l’appétit qui me tiraillait il y a à peine une seconde ? Il faut croire que certaine vision n’inspire pas mon estomac. La vue du meilleur ami de l’homme embroché et cuit sur le feu est l’une d’elle… À propos, qu’est-ce qu’on mange ? Heureusement, ce repas n’est pas pour nous. Heureusement, le Laos est bien différent. J’aime la différence, j’aime le Laos ! J’aime aussi les chiens, mais pas à n’importe quelle sauce.



Je préfère avertir les cœurs sensibles que les deux photos trouvées un peu plus bas sont crues et témoignent d’une réalité que nous, occidentaux urbains, sommes rarement ou presque jamais confrontés. À vous de décider...















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