mercredi 2 avril 2008

Népal - Rencontre avec une déesse vivante

Katmandou

Dieu existe t-il ? Depuis longtemps, les hommes cherchent à savoir. Héritier de Thomas, je suis un petit sceptique. Il faut voir pour le croire. Ben, ça y’est ! Ne cherchez plus mes amis, j’ai vu. C’est à Patan, en banlieue de Katmandou que j’ai aperçu le divin. Hindouisme oblige, c’est en réalité un des nombreux dieux du panthéon que j’ai eut l’honneur de rencontrer. Je ne m’étais pas vraiment préparé pour ce rendez-vous. Mais je vous demande : Peut-on vraiment se préparer à une telle occasion ?

Laissez moi vous raconter cette histoire peu banale. Le tout a débuté à Katmandou où j’y ai fait la rencontre de Martha et de Séverine, allemande et française respectivement. Après avoir visité les temples, monastères et quartiers de la capitale, nous avons mis le cap sur Patan, ville au riche patrimoine et, je l’ignorais, lieu de résidence d’une déesse vivante. On se baladait tranquillement dans les rues lorsque nous avons fait la rencontre de Kong, un népalais d’origine tibétaine qui a eut la gentillesse de nous guider à travers sa cité. Chose rare, ce geste paraissait tout à fait gratuit, il ne semblait pas espérer quelques roupies en échange. Je crois qu’il était davantage intéressé par les beaux yeux de Martha. Ce n’est pas moi qui peux le blâmer…

Donc, notre nouvel ami nous guidait à travers la ville et son architecture magnifique. Comme il se mit à pleuvoir, Kong nous a invité à nous abriter dans un endroit où bien peu de touristes mettent les pieds : chez une déesse vivante. Ce n’est quand même pas tous les jours où l’on reçoit pareille invitation. Kong nous amène donc sur une rue assez passante devant un logement des plus communs. Seul indice pouvant laisser croire à l’importance de son occupante, un écriteau affichant : « LIVING GODDESS ».



Kong actionne la sonnette, nous patientons. Avez-vous déjà cogné à la porte d’un dieu ? Moi, je vous avouerai que c’était la première fois. Mal rasé, la tenue vestimentaire négligée, si seulement j’avais su… Les deux filles et moi échangeons des regards amusés, soulignant le caractère particulièrement absurde et surréaliste de la situation. Une femme ouvre la porte, Kong demande si nous pouvons entrer. La dame hoche la tête légèrement de droite à gauche telle une figurine Bubble Head. Chez nous, ce geste exprimerait le refus, en Inde et au Népal, cela signifie l’approbation.

Nous entrons tour à tour dans cette habitation. Nous empruntons le sombre escalier puisque évidemment, on aurait pu le parier, la déesse demeure à l’étage supérieur. J’ai l’impression d’être dans un appartement ténébreux de la rue Labelle à Longueuil. Avant de pénétrer dans le logement, Kong nous informe du protocole à suivre devant une déesse vivante. Nous pouvons lui parler, cependant, même si elle comprend un peu l’anglais, elle ne nous répondra pas. Afin d’immortaliser cet instant, il nous invite à prendre quelques photos. Je connaissais déjà un peu les règles à suivre puisque mon Lonely Planet m’avait instruit au sujet de cette pratique religieuse appelée Kumari Devi.



Je me souviens particulièrement du processus de sélection de la déesse. Elle doit avoir entre quatre ans et l’âge de la puberté et présenter trente-deux signes distinctifs allant de la couleur des yeux, la forme des dents en passant par le son de la voix. Toutes les candidates répondant à ces critères sont rassemblées dans une pièce obscure où l’on a disposé des têtes de buffles sanguinolentes et où des hommes affublés de masque horribles viennent danser sur des sons terrifiants. Naturellement, cette mise en scène ne saurait effrayer une véritable déesse. La fillette qui garde son sang-froid ne peut-être que la nouvelle Kumari. Son règne prend fin dès ses premières règles, ou toute autre perte de sang accidentelle. Elle redevient alors simple mortelle et l’on se met à la quête d’une nouvelle déesse.



Nous entrons donc dans l’appartement. Assise sur son trône, les deux pieds dans les plats (au sens propre plus qu’au figuré), la déesse nous attend. Ce n’est ni la beauté de ses vêtements, ni la richesse de ses bijoux qui me frappa en premier mais plutôt la tristesse de son jeune visage. À un tel point, que j’ai rapidement senti un malaise. Qu’est-ce que je fais ici à encourager telle pratique ? La fillette m’apparaît comme la déesse la plus triste de l’univers terrestre et céleste confondus. De mon côté, je semble devenir instantanément le touriste le plus grotesque de la terre.





Heureusement, le malaise s’est dissipé quelque peu lorsque le jeune frère de la déesse est entré dans la pièce. À grands coups de bouffonneries, notamment en jouant à cache-cache avec mon appareil photos, il a su soutirer une demi-douzaine de sourires à sa sœur aînée et ainsi, la rendre un peu plus humaine et chaleureuse. Pourtant, il semblerait que toutes manifestations de joie ou de bonheur ne fassent pas partie de sa définition de tâche.



Par contre, en échange de quelques roupies népalaises, la déesse peut vous offrir sa bénédiction. C’est ce qu’elle a fait pour chacun d’entre nous. Nous quittons donc le divin appartement avec sur le front, un tika, le troisième œil hindou. Ainsi, je me retrouve sur le trottoir avec l’impression d’avoir vécu une expérience plus culturelle que spirituelle. La description que j’en fais est teinte d’humour. Et pour cause, il est difficile de faire autrement tellement la situation paraît, à travers notre regard occidental, totalement absurde. Pourtant, ce qui nous semble être un véritable freak show est ici pris bien au sérieux. Ici comme ailleurs, on ne blague pas avec une déesse, juste au cas ou...


Merci Kong !
ou plutôt…
Merci beaux aux yeux de Martha !

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