lundi 16 juin 2008

Chine - Histoire de train à dormir debout

Pingyao

Je viens tout juste d’embarquer dans le train, il est 19h32. Cette fois, je pense m’être fait avoir. J’ai acheté un billet debout pour Beijing en pensant pouvoir être « upgradé » comme la dernière fois. Il est encore bien tôt mais je ne pense pas que la situation va évoluer. Il se pourrait que je sois obligé de passer la nuit debout, avec comme espace vital deux pieds carrés, à peine pour s’asseoir par terre. Fort inquiet de la situation, je trouve un endroit pour ranger mon gros sac pour aller faire du repérage. Je me suis faufilé jusqu’aux wagons des couchettes à la recherche d’un étranger qui voudrait bien, par solidarité de voyageur, laisser poser mes fesses du moins, pour quelques heures. Me faisant gentiment chasser d’un wagon à l’autre par les dames en charge, je prétexte l’innocence et je quitte poliment et avec le sourire ! Qui sait ? La stratégie peut porter fruit à long terme. Dorénavant, toutes les chefs de wagons savent qu’il y a à bord du train un blanc qui cherche une place pour dormir. S’il venait qu’à avoir un lit qui se libère, j’espère qu’elles s’en souviendront. Pour le moment, je dois attendre entre deux wagons, tout prêt des cuisines.

À peine deux minutes plus tard, un jeune Chinois vient fumer une cigarette. Après les bonjours d’usage, il me fait signe de le suivre. Il m’amène tout juste à côté, au wagon restaurant où ses deux amis sont bien assis à une table. Ils m’offrent généreusement la quatrième place. Je ne sais combien de temps je vais pouvoir bénéficier de ce siège confortable mais j’en profite pour écrire dans mon carnet ces quelques mots…

Le repas est terminé, la serveuse nous fait comprendre que l’on doit laisser la table à d’autres. Au même moment, une dame vient me faire signe de la suivre. Je n’en crois pas mes yeux, un miracle s’est peut-être produit. Dieu existe ! À tout de moins en Chine il semblerait… Je n’en crois pas mes yeux, elle me transfert à un lit couchette moyennant un maigre 70 yuans. Je vais pouvoir dormir tranquillement. Je suis véritablement devenu un génie du voyage. Avec un immense sourire pendu sous le nez, je vais prendre possession de mon lit. Je distribue à droite et à gauche les xiéxiés et duoxiés témoignant de ma gratitude.

Arrivé à ma place, je fais la rencontre d’une famille géniale. La fille, Wowan Lu me demande si je peux lui enseigner l’anglais en échange de quelques leçons de chinois. Je suis aux anges. Surtout que ma nouvelle élève semble directement tombée du ciel. Nous passons une agréable soirée tous ensemble. Les membres de la famille prennent un malin plaisir à m’entendre pratiquer la prononciation des mots. Ils me posent des questions sur mon voyage, sur Montréal, sur ma famille… Je leur montre quelques photos logées sur mon Ipod. Avec un petit pincement au cœur, je leur présente ma famille et mes trois meilleurs chums. Le cœur gros, je leur avoue que je m’ennuie mais qu’il ne reste plus qu’une quarantaine de jours avant de retrouver les miens. Les lumières du wagon sont éteintes depuis un certain temps, nous discutons toujours. Finalement, la dame en charge vient nous avertir de nous coucher. À regret, nous nous exécutons.

Je me glisse dans ma couchette, retire mes vêtements, pose ma tête sur l’oreiller, je suis si confortable ! J’ai une pensée pour les trois types du wagon restaurant. Les pauvres, ils doivent passer la nuit debout. Je sais que je suis privilégié mais j’ai toutefois cette impression magique que cette fois, j’ai fait ma chance. Je m’endors avec la prétention qu’au fil des mois, je suis devenu un voyageur efficace. Je m’endors en ayant la certitude, encore une fois, que je suis un homme heureux.


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