mardi 22 avril 2008

Népal - Pourquoi monter là-haut ?

Muktinath

Jour 15

Cette fois encore, la nuit de sommeil a été courte. Toujours aussi malade. Le bon sens veut que je me repose. Même en santé, l’ascension du col est difficile. Malade, c’est de la pure folie ! Alors, la question se pose : pourquoi monter là-haut ? Il existe assurément plusieurs réponses. D’abord, je ne souhaite pas dormir une nuit de plus à cette altitude (4441m). Le camp du Thorung Phedi est pour le moins rustique. Il y fait aussi froid que l’hygiène y est déficiente ! Je dois tenter le coup. La décision de me lancer malgré mon état a peut-être également été motivée par le fait que je m’étais levé la veille dans une condition similaire et que, la journée avançant, la forme est tranquillement revenue. Et puis après tout, si je ne me sens pas à l’aise lors de la montée, je reviens sur mes pas.

Nous attendons ce moment depuis deux semaines déjà. Nous nous préparons fébrilement pour l’ascension du plus haut col de la planète Il s’agit de la plus grosse journée de marche : 1000 mètres à gravir pour atteindre le passage et ensuite, une interminable descente de1600 mètres jusqu’à Muktinath. Il est environ six heures du matin, nous avons déjà un léger retard sur notre horaire. Vaut mieux partir tôt pour profiter de la neige durcie par la nuit et ainsi économiser nos efforts.



Nous commençons donc à monter. La première section est particulièrement raide. Rapidement, je sens que quelque chose cloche. Mon estomac me supplie de redescendre, ça fait tout juste dix minutes que nous marchons. Dans mon esprit, le doute s’installe. L’appel de la toilette turque se fait entendre. Les choses se précipitent, je cherche avec empressement un bosquet. À cette altitude, aucune végétation ne pousse. La falaise n’est faite que de pierres. Heureusement, il y a des rochers un peu moins petits que d’autres. Je ne suis pas totalement caché mais les douleurs intestinales l’emportent largement sur l’orgueil. Nous repartons mais ce petit arrêt n’a rien de rassurant pour les autres membres du groupe. Hari, notre guide népalais, me demande si tout va bien. Je lui réponds que je me sens beaucoup mieux mais je vois bien dans son regard qu’il s’inquiète grandement de ma situation. En haute altitude, la déshydratation entraîne le mal des montagnes, assurément le pire ennemi des trekkeurs. Je m’assure de boire régulièrement.



Plus on monte, plus les paysages sont époustouflants. Nous pénétrons dans les hautes montagnes. La pente est souvent abrupte, le sol devient enneigé et glissant, mes mollets travaillent d’arrache pieds. Après plus de trois heures d’effort, mes articulations du genou envoient à mon cerveau quelques signaux de fatigue. Mon souffle devient plus court. Seule bonne nouvelle, l’estomac s’est rendormi. Je peux enfin grignoter un peu. L’éternelle Snickers ainsi que les quelques noix mélangées à des fruits secs me donnent de précieuses calories. Après deux nuits aux toilettes, mon corps en a bien besoin. Je marche, le rythme est bon. Je monte sans m’arrêter, sans trop regarder en arrière. Sans le réaliser, je distancie tranquillement mes compagnons de route. Péniblement, j’avance pas à pas. Les efforts deviennent de plus en plus grands, la tentation de s’arrêter également. Je cherche de jolies pensées afin de détourner mon esprit de la fatigue physique.

Soudain, une idée de génie ! Une idée digne des plus grands motivateurs de la planète. Je ferai un pas pour tous ceux qui me sont chers. Un pas pour tous ceux que j’aime : famille, amis, connaissance. Un pas pour Nicole, un pas pour Serge… La liste est longue. Ça tombe bien, le col est bien haut !



De par définition, un col est un passage entre deux montagnes, il est donc plus bas que ce qui l’entoure. Il faudrait déplacer une montagne de 5416 mètres en plein cœur de la Montérégie pour que l’on réalise à quel point c’est haut. Tout est une question de relativité. Le mont Blanc : 4811 mètres, le mont Washington : 1917, le mont Tremblant : 968 mètres, le mont St-Bruno : 218 mètres. Bon, je sais que tout est relatif dans l’autre sens également, le mont Everest : 8848 mètres. Les 3432 mètres qui me séparent du toit du monde me rendent bien humble face à ces femmes et ces hommes qui ont gravi la célèbre montagne.

L’histoire de l’alpinisme en est une de dépassement. Celle du légendaire et toujours vivant Messner, un homme qui a grimpé les quatorze 8000m de la planète, et ce sans oxygène d’appoint, et en solo s’il vous plait ! Celle de Mallory, un alpiniste britannique qui est décédé sur l’Everest en 1924. Dans les années 90’s, son corps a été retrouvé à à peine 200 mètres du sommet. Il n’est pas le premier homme à avoir redescendu vivant, mais peut-être le premier à y avoir monté. En alpinisme, une expédition est couronnée de succès uniquement si tout le monde redescend.



À la fameuse question « Pourquoi monter là-haut? », Mallory avait simplement répondu : « Because it’s there ! » Je crois qu’une fois que l’on a observé de près ces pics enneigés, on comprend mieux leur très grand pouvoir d’attraction. On veut monter toujours plus haut. On souhaite vérifier quelles sont ses limites pour ensuite les repousser toujours plus loin. Voilà pourquoi aujourd’hui j’ai fait fit de ma condition précaire et je me suis lancé tête première vers le col. Ce matin, c’est l’appel de la montagne qui m’a sorti du lit.

1 commentaire:

rachel a dit...

Ton périple est vraiment impressionnant, Olivier, surtout tes derniers videos sur le Népal. Quand te reviendras, il me semble que tu seras grand comme le monde... et même plus. Toi seul sait ce que cela peut vouloir dire. Heureux retour! Rachel