lundi 7 juillet 2008

Mongolie - Le fin fond du bout du monde

Naiman Nuur

Ça fait dix jours que nous parcourons la campagne mongole. Nous traversons des paysages aussi spectaculaires que variés. Je l’ignorais, la Mongolie a bien plus à offrir que des steppes verdoyantes, c’est également d’immenses canyons, des badlands, des formations volcaniques, des collines et des déserts arides. À tous les jours, on change de décor. Une seule constante : l’immensité. Le terrain est généralement plat, l’atmosphère est toujours parfaitement claire, on y voit à des milles à la ronde. Le ciel nous parait immense. La montagne à l’horizon semble toute proche, on y met pourtant quatre heures en voiture pour y parvenir. Ici et là, les gers deviennent de petits points blancs qui se démarquent à des kilomètres. La Mongolie est un immense pays mais il est faiblement peuplé. 2,6 millions d’habitants dont la moitié résident dans la capitale. C’est le pays le plus faiblement peuplé de la planète avec un maigre 1,8 individu par kilomètre carré (À titre comparatif, le Bangladesh affiche un taux de 1002 personnes par km2, le Canada avec 3,3 personnes par km2 arrive aussi en bas de la liste). Dans certaines régions, on peut rouler pendant des heures sans rencontrer âmes qui vivent. Tout à coup, un petit point blanc apparaît à l’horizon. Ça tombe bien, dans deux on y sera et il sera l’heure de manger ! Nous nous approchons de la ger, nous entendons déjà les chiens qui aboient pour nous faire peur. Un troupeau de chèvres, de moutons, de chevaux, de yaks ou de chameaux n’est jamais bien loin. Comme à l’habitude, un cheval est attaché près de l’habitation. Il est déjà scellé, prêt à décoller en cas de besoin.





En campagne, les Mongols ont rarement une voiture. Ils possèdent souvent une moto qu’ils enfourchent vêtu de leur deel, le costume traditionnel mongol. Pour les longues distances, la moto a remplacé le cheval. Toutefois, dans plusieurs régions, le fidèle destrier demeure roi. Les routes… Le concept de route en Mongolie diffère du nôtre. La majorité du réseau n’est pas bitumé. Pas de gravelle, même pas de terre battue. On suit les traces des dizaines de véhicules qui nous ont précédé. On roule souvent en plein milieu de nulle part, ouvrant ainsi la nouvelle route. Les chemins sont tellement mauvais ou accidentés que les distances sont plus vite parcourues au galop. Le peuple mongol a toujours été nomade. Les gers ont des coupoles satellites pour capter la télé, des panneaux solaires pour recharger les batteries (source d’énergie principale). Toutefois, les gers n’ont toujours pas de toilettes et sont chauffées à la bouse. Les familles vivent en autarcie, se nourrissant du lait de la viande de leur troupeau. La ger se déplace en moyenne quatre fois l’an à la recherche de pâturage. Il y a très peu de place pour les légumes (encore moins les fruits) dans le régime alimentaire mongol. La culture y est presque inexistante.



Les hivers sont rigoureux car même si il ne neige pas beaucoup, ils s’étendent sur neuf mois de l’année. La vie est rude, le voisin est loin. L’hospitalité est chose naturelle. Ce n’est même pas une question de politesse, c’est une question de survie. Nous sommes toujours bien accueillis par les familles. Ils se montrent curieux à notre endroit. Les touristes se font rares par ici, tout comme les visiteurs de tout origine confondue. Quelques minutes après son arrivée, le visiteur est déjà assis dans la ger, un bol de thé au lait et un morceau de yaourt concentré dans les mains (un yaourt contenant assez de bactéries pour raviver la flore intestinale d’un brontosaure). On ne refuse rien, on trempe nos lèvres, on croque un petit morceau, on s’en garde pour plus tard… Les chiens adorent le yaourt, ils salivent déjà à l’arrivée des touristes.

À trente mètres autour de la ger, ça sent le mouton. Plus on approche de la cuisinière située au centre de l’habitation, plus l’odeur devient puissante. À l’intérieur, tous les objets en sont empreints. Heureusement, quelques minutes suffisent pour nous y habituer. Après quelques jours dans la steppe mongole, nous dégageons nous même un fort parfum.

Les Mongols sont d’une grande gentillesse. Difficile de croire que ce sont les descendants des redoutables cavaliers d’Attila et de Gengis Khan. Nos leçons de langue mongole nous aident à établir le contact. Quel est ton nom ? Quel âge as-tu ? Combien de chèvres as-tu ? Les échanges sont sommaires mais ils apprécient l’effort. Avec les enfants, c’est toujours un peu plus facile. Ils sont curieux, ils adorent jouer avec nous. J’ai parfois l’impression que, besogne oblige, les adultes ont peu de temps à consacrer aux tout-petits. Ces derniers aident leurs parents aux différents travaux : traite des animaux, cuisine, s’occuper du plus jeune, couper le bois (ou ramasser les bouses) pour le feu, aller chercher l’eau à la rivière…



Les premiers jours nous ont fait découvrir le sud du pays. Nous traversons maintenant à pieds les montagnes du centre. Ce trek de quatre jours nous en a fait voir de toutes les couleurs : tempête de grêle, zones marécageuses, colonies de mouches. Ce n’est pas toujours facile mais mon voyage en Asie ne pouvait mieux se terminer. Aujourd’hui, j’ai joué au berger avec trois gamins. Ma course derrière un troupeau de chèvres dans la steppe sera un souvenir impérissable. Ce soir, je m’endors seul dans ma tente avec comme berceuse les hurlements des loups. La Mongolie est sauvage, elle est authentique. Je l’adore !

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