vendredi 11 juillet 2008

Mongolie - Route de Mongols

Sur la route

Le plus grand empire de tous les temps, de la Sibérie à l’Inde et du Vietnam à la Méditerranée. L’empire fut aussi vaste qu’éphémère. Qui n’a jamais entendu parlé de Chinggis Khaan et de sa terrifiante armée de cavaliers mongols. L’histoire récente du pays est moins glorieuse. Sans accès à la mer, la Mongolie est coincée entre les deux géants que l’URSS et la Chine. On sent très fortement l’influence soviétique : l’architecture, l’écriture cyrillique, les voitures, la vodka, le jeu d’échecs…

Pour retrouver leur identité, surtout pour se démarquer des voisins, le culte du grand Gengis a refait surface il y a une trentaine d’années. On peut admirer son image un peu partout : à la télé, sur les bouteilles de bière ou de vodka, sur des affiches, sur une colline près d’Ulanbaatar… Même notre mini fourgonnette à été baptisé en son honneur : Chinggis Car. Aussi robuste et indestructible que son légendaire homonyme, elle nous a rendu de fiers services. Les deux derniers jours ont été fort éprouvants pour notre belle Chinggis, et pour nous par la même occasion. En Mongolie, on sait quand on part, on ne sait jamais quand on arrive, ni dans quel état...



Gamba, notre chauffeur adoré, a une vingtaine d’années d’expérience sur les routes mongoles. Je soupçonne qu’il a une boussole ou un GPS implantée dans le crâne afin de s’orienter. Il n’existe aucun panneau pouvant nos renseigner sur les directions et encore moins les distances. Peu surprenant que parfois, l’on se perd. Heureusement, notre Gamba est un excellent chauffeur, il s’égare rarement. Hier matin, par contre, il s’est trompé de vallée, nous avons roulé dans une mauvaise direction pendant une bonne heure. En revenant sur nos pas, un violent orage nous a forcé de prendre le lunch à l’abri dans notre confortable Chinggis Car. En essayant de retrouver notre chemin, nous sommes sortis de la route pour nous diriger dans une vallée, puis tout droit sur une colline. J’avais l’impression que l’on tentait de grimper les pentes d’une station de ski. Après de gros efforts de la part de Chinggis Car, nous sommes enfin arrivés au sommet. Toute cette énergie pour réaliser qu’on ne pouvait pas aller plus loin, une forêt dense nous attendait sur l’autre versant. Il fallait, encore une fois, faire demi-tour. On tente un autre chemin. Nous montons régulièrement à travers une forêt. Parviendrons-nous à traverser de l’autre côté ?



La pluie a rendu la route boueuse. Nous nous enfonçons de plus en plus. La fourgonnette vacille, elle glisse, elle s’immobilise… Nous sommes embourbés. Nous sortons du véhicule pour évaluer la situation. Mon éternel optimisme ne s’en fait pas trop. Nous usons de nos muscles et de notre matière grise. Le plan est simple, il faut détourner la rigole qui inonde les roues avant et qui rend par le fait même notre départ impossible. Heureusement, nous avons une pelle à notre disposition. Nous travaillons avec beaucoup d’efficacité, si bien que nous réussissons à nous déprendre après seulement trente minutes de boulot. Notre chauffeur a compris la leçon, nous redescendons de plus belle. Puisqu’il le faut, nous contournerons les collines.

Nous roulons et roulons encore… Il a plu aussi au fond de la vallée. Les routes sont boueuses. Inquiet, notre chauffeur analyse consciencieusement la situation. Il hésite souvent avant de s’engager dans les trous d’eau. L’ambiance devient un peu tendue dans le car, nous gardons le silence. Nous avançons péniblement et puis… merde ! La voiture s’est embourbée une fois de plus. Cette fois-ci, c’est du sérieux. Les quatre roues s’enfoncent dans la tourbe et la boue. Mon éternel optimisme part en courant ! Pire encore, un immense orage file droit vers nous. Il déjà froid, ça promet !



Nous nous mettons à la tâche. On sort le cric, on va chercher des troncs pour agir comme levier, on creuse autour des roues… Rapidement, notre propreté devient secondaire, on ne songe plus qu’à s’en sortir et vite. Les premiers essais s’avèrent de lamentables échecs. L’orage éclate. Le qualificatif de lamentable s’applique maintenant à nous tous. Le soleil est déjà couché, il fait froid, très froid. Nous sommes coincés au milieu de nulle part, s’il nous faut camper ici, la nuit risque d’être longue. Seule bonne nouvelle, y’a pas un moustique assez fou pour venir nous écœurer. Notre seul espoir réside dans l’aide extérieure. Pendant que nous travaillons sous le véhicule, Bogi part à la recherche d’une ger providentielle. J’y crois plus ou moins car qu’est ce qu’un nomade mongol peut bien faire pour nous aider avec son cheval ou sa moto russe ? Croyez-moi, je ne sais pas lequel, mais il y a un dieu qui veille sur les steppes mongoles. Bogi revient avec de l’aide, un immense camion. Le type de véhicule que nous n’avions pas vu depuis une semaine. Nous sommes sauvés.

Le chauffeur bienheureux descend son mastodonte dans la boue. Il attache un câble à Chinggis. Démarre en trombe. Le fil se tend en une milliseconde et lâche sous la pression… Bravo !!! Félicitations monsieur testostérone dans le tapis ! Encore chanceux que ce ne soit pas la carlingue de Chinggis Car qui n’ai pas arraché. Heureusement, il possède un second câble. Cette fois, il a compris la leçon. Il nous tire doucement pour nous délivrer. Nous sommes libres. Trempés, frigorifiés, affamés, épuisés mais libres. Notre sauveur nous indique le chemin pour une ger où nous pourrons peut-être passer la nuit. Sans attendre, nous repartons.

Nous débarquons donc à la dite habitation. Il est au moins 10h30. À l’intérieur, la famille dort déjà profondément. C’est alors que nous assistons à un spectacle magique. La mythique hospitalité mongole se concrétise sous nos yeux. Les membres de la famille se réveillent et constatent avec étonnement qu’un groupe d’étrangers occupent leur ger. Ils ne doivent pas recevoir ce type de visite très souvent, la tête du benjamin, encore tout endormi, en fait foi. Quelques instants plus tard, le feu crépite à nouveau dans le poêle et nous recevons le thé de bienvenue ainsi que l’incontournable morceau de yogourt concentré à la puissance mille… Après le repas et quelques tentatives rigolotes de discussions, nous installons nos lits sur le sol. La journée a été dure, nous nous endormons rapidement au milieu de la ger. Chinggis Khaan a de quoi être fier. Son peuple n’est certes plus celui qui a longtemps fait trembler l’Occident tout entier. Les temps ont changé, les Mongols sont aujourd’hui un véritable modèle de fraternité et d’hospitalité. Que ses deux voisins le retiennent, ce n’est pas que la puissance de son armée qui fait la gloire et la grandeur d’un peuple.


1 commentaire:

Unknown a dit...

«Nous usons de nos muscles et de notre matière grise»

magnifique