samedi 20 octobre 2007

Inde - Le bonheur d'un senteux

Shimla

Si Dieu existe, les probabilités qu’il se soit retiré en Inde sont extrêmement fortes. L’endroit rêvé pour une retraite parfaite, un milliard cent millions de dévots. Louangé de toutes les manières inimaginables : hindouisme, islamisme, bouddhisme, sikhisme, jaïnisme, christianisme, judaïsme. Glorifié avec une ferveur qu’il est difficile de soupçonner à Montréal. Ici, la question « Crois-tu en Dieu ? » n’est même pas concevable. Après le typique « Where are you from ? » et le « What’s your name? », on nous demande régulièrement de quelle religion nous sommes. Ceux avec qui j’ai eu l’honnêteté de répondre que je ne pratique aucune religion ont réagi avec autant d’incompréhension que si je venais de leur dire que j’étais Kalki, la dixième et dernière réincarnation de Vishnu.

Jusqu’à présent, les lieux traversés étaient fortement teintés par la religion hindoue. En arrivant au monastère de Menri, on entre dans un tout autre univers : le bouddhisme. Mais attention ! Pas n’importe quelle forme. Il existe cinq formes de bouddhisme et la plus ancienne est celle nommée Bon, c’est celle pratiquée à Menri. Ici il existe un autre chef spirituel que le dalaï-lama, malgré que l’on retrouve le portrait de ce denier au monastère. Les moines portent fièrement leur habit aux couleurs du drapeau tibétain : le bleu foncé, le pourpre et le jaune. Les temples aussi arborent de magnifiques couleurs. Le Guest House est plutôt rudimentaire mais lorsqu’on paie 175 roupies (4,50$ chambre et repas compris) par jour, on tue l’araignée géante dans la salle de bain et on dit merci.



Le lendemain de notre arrivée, on nous invite à un entretien avec un sage. Ce genre d’opportunité ne se refuse pas. Le moine qui nous lance cette invitation dit en riant : « It will change your life ! » Vous me connaissez, mon jardin spirituel n’est pas très fleuri, faute d’entretien… Qui sait, peut-être la sagesse universelle dort-elle dans ces montagnes depuis des siècles. Prêt à devenir un nouvel homme, je pars à cette rencontre. Nous sommes environ douze occidentaux (aux jardins bien variés). L’enseignement débute en trombe, notre hôte m’a pas ouvert la bouche que j’ai déjà tiré une leçon. L’habit ne fait pas le moine. Non pas qu’il ne soit pas bien vêtu. Je m’imaginais simplement les sages avec plus de rides, plus de cheveux blancs et moins de dents. La discussion qui s’en ai suivi m’a laissé sur mon appétit : il ne sert à rien de pleurer le décès d’êtres chers, le bonheur vient avec le contentement, toutes vies méritent d’être respectées. Les réponses étaient plutôt élémentaires. Je me serais cru devant un énorme biscuit chinois parlant. Peut-être que c’est juste moi qui n’avait pas faim… Peut-être que la sagesse universelle réside justement dans la simplicité.



Les occidentaux qui passent par Menri sont de tout acabit. Il y a les gens comme moi, au jardin frêle, qui viennent simplement à la rencontre d’une nouvelle culture. Appelons-les les senteux. Il y a aussi les égarés, ceux qui sont ici pour trouver des réponses. Ils cultivent leur jardin sans trop savoir comment, ils ont besoin d’être dirigés. Ici, ils constituent le groupe le plus nombreux. Enfin, il y a les habitués, ceux qui sont ici depuis longtemps ou qui reviennent régulièrement. Ils ne viennent pas à Menri pour des vacances mais dans le cadre d’une sérieuse démarche spirituelle, ils sont ici pour travailler sur leur âme. Le dur labeur a probablement produit un magnifique jardin débordant de fleurs, de papillons doux et d’écureuils dansants… Ils adorent parler aux égarés qui boivent leurs paroles sur la méditation, la réincarnation et les traces karmiques. Ils jouissent en expliquant à un senteux que l’assassinat d’une araignée signifie à coup sûr un très mauvais karma. Je vivrai assurément ma prochaine existence sur quatre pattes… Bref, le senteux que j’étais ne s’est pas toujours senti bienvenu dans cet univers mystique. Un système de castes bien différent se fait sentir à Menri. Pourtant, ici comme en Inde, tout le monde partage la même chiotte et ce, quelque soit la beauté de notre jardin…



Chantal, Karine, Annick et moi ne sommes pas les seuls québécois à Menri. Un groupe envoyé par Les Routes du Monde fait également un arrêt au monastère. C’est avec énormément de joie que nous avons accepté de nous joindre à eux afin de visiter l’orphelinat. Imaginez deux-cents garçons vivant dans un immeuble de trois étages. La plupart sont orphelins, les autres n’ont pas vu leur famille depuis des années. Ils viennent parfois d’aussi loin que le Népal pour recevoir une éducation qui pourra constituer une base vers des études supérieures ou vers la vie monastique à Menri, en somme vers un avenir bien meilleur que la plupart des jeunes de leur âge.



La visite de l’orphelinat est organisée depuis plusieurs années et est offerte aux groupes de québécois qui passent par Menri. L‘activité culmine avec un encan fort particulier. Les visiteurs peuvent faire l’acquisition de merveilleux dessins réalisés par les enfants. Pour quelques roupies, voilà une belle façon d’aider à la fois le monastère dans sa mission et également de donner un peu de fierté aux jeunes artistes. Quelques instants avant le début de l’encan, nous pouvons voir les œuvres en enjeu. Un dessin s’est très rapidement distingué des autres, à la fois par ses qualités artistiques et par le sujet traité. C’est celui-ci que je veux, je paierai le prix qu’il faut.



L’encan débute tranquillement, les œuvres d’art s’envolent pour environ 300 roupies (7,50$). L’atmosphère est surchauffée, les enfants jubilent à chaque nouvelle mise. Je me fais discret, désireux de conserver tout mes sous pour l’objet de ma convoitise. Quand le moment arrive enfin, je suis prêt. Définitivement, je ne suis pas le seul intéressé, les offres affluent de toutes parts. Nous passons en vitesse le cap du 400 roupies sous les encouragements des enfants. La course folle prend fin quand, sous l’hystérie générale, j’offre 600 roupies pour obtenir le fameux dessin (je connais un garçon de 7 ans qui sera content !). Peu de temps après, l’encan se termine, près de 200$ ont été amassés, nous prenons quelques photos avec les artistes de nos œuvres respectives. La soirée se clôt par les chants, la farandole, la danse et le spectaculaire mini-trash. Les jeunes garçons sont emballés par notre présence, ça se sent. Maintenant qu’ils me connaissent, je me promets de leur rendre visite à nouveau.



Le lendemain à 6h30, je saute du lit afin de me joindre à la prière matinal. Ils sont tous présent, dans la grande salle de prière, assis sur une des quatre rangées de matelas. En chœur, ils entament des mantras en langue tibétaine pendant près d’une heure. C’est ainsi à chaque jour de l’année (21h00, heure de Montréal pour ceux qui veulent se joindre à eux en pensée). Quelle belle façon de débuter la journée !!! Je quitte donc l’endroit en ayant fait le plein d’énergie et de sourires. Toutefois, je leur fais comprendre que je serai de retour après les classes pour une partie de cricket. Tel que promis, j’étais dans la cour à 16h dans le but de m’amuser un peu. Mais avant de jouer, c’est l’heure du thé. On m’invite à l’intérieur pour partager le fameux chaï. J’entre dans la grande salle à manger, je trouve une place libre et m’assoit. Les enfants sont à la fois surpris et amusé par cette compagnie inhabituelle. Sans dire un mot, nous buvons notre thé, n’échangeant que des regards, des sourires, un instant de pur bonheur. Une fois le bonheur bu, nous partons tous vers l’extérieur, l’heure de la partie de cricket à sonné.

En fait, c’est ce que je croyais !!! Toutefois, j’ai oublié un point important, une petite cour ne permet pas à 200 jeunes de jouer une seule et unique partie de cricket. Voila pourquoi, on assiste à une quinzaine de parties disputées simultanément. Imaginez quinze parties de baseball sur un seul terrain avec des frappeurs aux quatre coins du losange frappant la balle à qui-mieux-mieux. Il ne faut pas être très nerveux pour se promener au centre du terrain alors que les balles filent dans toutes les directions. Je comprends mieux pourquoi certains d’entre eux portent de belles cicatrices derrière la tête… Après quelques élans dignes de Babe Ruth et quelques lancers à la Pascual Perez, j’échange un peu avec les plus vieux qui parle un meilleur anglais avant de quitter pour le souper. La vie est si simple ici au monastère de Menri. Je sens que je pourrais aisément rester quelques jours de plus. Cependant, je ne peux m’y résoudre car je sais très bien que je ne serai plus capable de repartir…

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Par des mots, on peut sentir le bonheur et la plénitude qui règnent au monastère de Menri. Merci pour ce beau poème sur le sens de la vie.

Anonyme a dit...

Wow, je trouve cette vie fascinante et sereine....seras-tu capable de retourner au rythme électrisantde l'occident?